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occasion qui s’offrait de se mettre en relief… Il y a du feu dans le salon… Voulez-vous me permettre, monsieur, de vous conduire dans l’appartement en question ? ajouta-t-il, offrant officieusement sa main à M. Frankland.

— Certainement non, » répliqua Rosamond avec une certaine vivacité ; car, avec sa vive faculté d’observation, elle avait remarqué que M. Munder manquait aux lois du savoir-vivre qui lui interdisaient de tenir ses regards curieux arrêtés sur son maître, alors qu’elle était présente, et, en conséquence, elle ne se sentait pas favorablement disposée pour lui. « En quelque lieu que soit l’appartement en question, ajouta-t-elle avec une railleuse emphase, c’est moi, si vous le voulez bien, qui prétends y conduire M. Frankland. Si vous désirez vous rendre utile, vous n’avez qu’à marcher devant nous pour ouvrir les portes. »

Un peu abattu, en apparence, mais, au fond, rempli d’une indignation dont il dissimulait les moindres symptômes, M. Munder prit l’avant-garde et marcha vers le salon. Le feu brillait dans la cheminée ; les vieux meubles s’y montraient sous leur aspect le plus pittoresque. Le papier des tentures étalait des nuances moelleuses ; les tapis, aux couleurs passées, étaient épais et doux au marcher. Rosamond conduisit son mari à un grand fauteuil confortable placé près du feu, et, pour la première fois, se sentit un peu chez elle.

« Ah ! voici qui fait espérer quelque bien-être, dit-elle. Quand nous aurons tiré les rideaux entre nous et ce vilain brouillard, quand les flambeaux seront allumés, quand le thé sera sur la table, nous n’aurons plus à nous plaindre de quoi que ce soit au monde… Vous devez jouir de ce bon air tiède ; n’est-il pas vrai, Lenny ?… Il y a un piano dans cette pièce, mon cher cœur. Je pourrai le soir, à Porthgenna, vous faire un peu de musique, comme à Londres… Nourrice, asseyez-vous… mettez-vous, et le baby, aussi à votre aise que possible… Avant d’ôter mon chapeau je vais aller, avec mistress Pentreath, inspecter un peu les chambres à coucher… Comment vous appelez-vous, vous, la fille aux joues roses ?… Betsey, m’a-t-on dit ?… Eh bien, Betsey, si vous allez en bas, préparez le thé… Et nous ne vous en saurons pas plus mauvais gré, tout au contraire, si vous parvenez à y joindre un morceau de viande froide… » Distribuant ainsi ses ordres sur un ton de bonne humeur, et ne remarquant pas l’air un peu contraint de son mari, qui ne goûtait guère ses façons si familières à l’égard