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me retrouver, je serai certainement interrogée… Et la voilà sur mes traces… On va s’informer de nous ici… Il faut donc absolument qu’on ignore où nous irons en quittant cette auberge… Il ne faut pas que les gens d’ici puissent répondre aux questions qu’on leur fera sur notre compte… Oh ! cher oncle, à tout prix, et quelque parti que nous prenions, assurons-nous de ceci !

— Fort bien, dit le vieillard, secouant la tête en homme tout à fait content de lui… Si ce n’est que cela, mon enfant, tranquillisez-vous ; je m’en charge. Quand vous serez couchée, je manderai l’aubergiste, et je lui dirai : « Dès demain, monsieur, procurez-nous une petite voiture qui nous mette sur le passage de la diligence pour Truro. »

— Non !… mille fois non ! Ce n’est pas ici que nous devons prendre une voiture.

— Mais si !… mille fois si !… Nous prendrons la voiture ici, parce que je veux, avant toute chose, m’assurer de l’aubergiste… Écoutez bien… Je lui dirai : « Si, après notre départ, vous voyez arriver des gens aux regards curieux, aux questions indiscrètes… eh bien ! monsieur, c’est moi qui vous en prie, ne soufflez mot… » Puis, je clignerai de l’œil, je poserai mon doigt comme vous voyez là, le long de mon nez, je lancerai un petit éclat de rire significatif, et, cric, crac ! voilà l’aubergiste de notre bord… l’affaire est bâclée.

— Il ne faut pas nous fier à l’aubergiste, mon oncle ; il ne faut nous fier à personne… C’est à pied que, demain, nous partirons d’ici… et encore faudra-t-il bien regarder si personne ne nous suit… Tenez !… voici justement une carte du Cornouailles accrochée à ce mur… Les moindres routes, les chemins de traverse y sont marqués. Nous pouvons, d’avance, arrêter la direction que nous prendrons… Une nuit de repos me rendra toute la force nécessaire, et nous n’avons pas de bagage dont nous ne puissions nous charger… Vous n’avez que votre havre-sac : je n’ai que le petit sac de nuit que vous m’avez prêté… Nous pouvons faire à pied six, sept, et même dix milles au besoin, avec les temps de repos… Venez par ici !… étudiez cette carte… je vous en prie, étudiez-la ! »

Tout en protestant contre l’abandon de son beau plan, qu’il déclarait et croyait être, en effet, parfaitement adapté aux difficultés de la situation, l’oncle Joseph consentit à examiner la carte, de concert avec sa nièce. On y voyait tracé, un peu au delà de la petite ville où ils étaient en ce moment, un che-