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dédaigneux mouvement d’épaules que s’était permis l’oncle Joseph… Pendant que vous parlerez à cet audacieux… ne dois-je pas me glisser au jardin pour donner à Jacob les instructions nécessaires ? »

M. Munder ne répondit pas sur-le-champ ; il s’efforçait de trouver un chemin plus honorable pour sortir du dilemme où il s’était lui-même enfermé ; il échoua parfaitement dans ce pénible travail, ravala d’un seul trait, en vrai héros, la colère dont il se sentait animé, et répondit avec emphase ces deux simples paroles : « Allez, madame ! »

— Que signifie ceci ?… Qu’est-elle allée chercher par là ? » dit à son oncle la timide Sarah, parlant vite et bas, avec l’accent de la méfiance, tandis que la femme de charge passait rapidement devant eux, se rendant aux jardins de l’ouest.

Avant que cette question eût pu recevoir sa réponse, elle fut suivie d’une autre que posait M. Munder.

« À présent, monsieur, disait l’intendant, debout sur le seuil de la porte, les mains sous les basques de son habit, et portant fort haut la tête… à présent, monsieur, à présent, madame, vous allez entendre mon dernier mot ; — dois-je ou non compter sur une explication convenable, relativement à cette soustraction, à ce rapt de clefs ?

— Très-certainement, monsieur, vous aurez cette explication, répondit l’oncle Joseph… C’est la même que j’eus l’honneur de vous offrir il y a bien peu d’instants ; voulez-vous que je vous la répète ? C’est tout ce que nous avons à votre service, en fait d’explications.

— Ah ! vraiment ?… dit M. Munder… Eh bien ! en ce cas, tout ce que j’ai à vous dire, à l’un comme à l’autre, c’est… c’est de sortir d’ici, à l’instant même. À l’instant même !… » ajoutait-il du ton le plus grossièrement péremptoire qu’il sut donner à sa voix. Car il avait le vague sentiment de l’absurde position où il s’était mis, et, pour s’y dérober, il se réfugiait dans l’insolence que l’autorité se permet si volontiers en pareil cas… « Oui, monsieur, continua-t-il, de plus en plus irrité, en voyant le calme avec lequel l’écoutait l’oncle Joseph… Oui, monsieur, vous pouvez à votre aise aller saluer, gratter du pied, et bredouiller votre mauvais anglais partout où il vous plaira… J’ai assez perdu mon temps avec vous. Je me suis raisonné ; j’ai réfléchi, conféré avec moi-même. Je me suis demandé avec calme… un Anglais est toujours calme… à quoi servirait de vous accorder quelque importance. Et j’en suis