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charge, de plus en plus bas, que le meilleur plan, et le plus conforme à nos instructions, est de les laisser partir, comme s’il nous ennuyait de continuer à nous chamailler avec eux… Et, en attendant, nous les ferons suivre jusqu’au premier endroit où ils iront. Le garçon jardinier Jacob est aujourd’hui à sarcler la grande allée des jardins de l’ouest… Ces gens-ci ne l’ont certainement pas vu par ici, et ne le verront certainement pas si on les fait sortir par la porte du midi… Jacob, vous le savez, est un garçon qui n’est pas manchot… Et, bien renseigné sur ce qu’il doit faire, je ne vois vraiment pas pourquoi…

— Voici, vraiment, une rencontre singulière, interrompit M. Munder avec une assurance imperturbable… Au moment où je venais prendre place à cette table, l’idée de ce Jacob s’était déjà présentée à mon esprit… La chaleur de la discussion, le travail de la parole me l’avaient, je ne sais comment, fait perdre de vue, et… »

En ce moment, l’oncle Joseph, qui avait épuisé sa provision de patience et de courtoisie, mit de nouveau la tête à la porte de la chambre.

« J’aurai tout à l’heure un dernier mot à vous adresser, monsieur, lui dit M. Munder, avant qu’il eût pu prendre la parole… Ne supposez pas que vos fanfaronnades et vos airs victorieux aient eu le moindre effet sur moi… Avec des étrangers cela prend peut-être, monsieur… Mais avec des Anglais, c’est autant de perdu, sachez-le bien ! »

L’oncle Joseph secoua les épaules, sourit, et rejoignit sa nièce dans le corridor. Pendant tout le temps que la femme de charge et le majordome avaient mis à conférer ensemble, Sarah s’était efforcée d’engager son oncle à profiter de ce qu’elle connaissait à merveille les localités, pour gagner, sans être aperçus, la porte ouvrant au midi. Le vieillard s’y refusait obstinément. « Je ne veux pas me glisser, comme un coupable, hors d’une maison où je n’ai fait aucun mal, disait-il avec assez de raison… Rien ne me persuadera de me donner, ni à vous, le mauvais rôle… Je ne suis pas un homme d’esprit, moi… Mais, aussi longtemps que ma conscience me guidera, je ne ferai pas fausse route… C’est de leur propre mouvement, Sarah, qu’ils nous ont laissé entrer ici… C’est aussi de leur propre mouvement qu’ils nous laisseront sortir.

— Monsieur Munder !… monsieur Munder !… avait repris la femme de charge se hâtant d’intervenir pour arrêter un nouveau transport d’indignation, soulevé chez l’intendant par le