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Mistress Pentreath, devinant, à ces préparatifs, qu’il allait se passer quelque chose d’extraordinaire, s’assit elle-même un peu en arrière de l’intendant. Betsey raccrocha les clefs à leur clou, et allait se retirer modestement dans la cuisine où était sa résidence habituelle, lorsque M. Munder l’arrêta sur place.

« Halte ! s’il vous plaît, dit le majestueux intendant. Je vais avoir tout présentement, jeune fille, à vous demander d’établir un point de fait. »

La douce Betsey attendit près de la porte, terrifiée à l’idée que sans doute elle avait méfait en quelque chose, et que l’intendant, armé de quelque pouvoir légal d’origine inconnue, allait immédiatement l’interroger, la juger et punir son crime.

« À présent, monsieur, dit M. Munder, s’adressant à l’oncle Joseph, comme eût pu le faire le président de la chambre des Communes, si vous en avez fini avec ces sels… et si la personne à côté de vous est assez remise pour pouvoir suivre le débat, j’ai quelques mots à dire à chacun de vous. »

Sur cet exorde effrayant, Sarah voulut se lever de sa chaise ; mais son oncle, la prenant par la main, la força de rester en place.

« Attendez, et reposez-vous, lui dit-il. Je prendrai toutes leurs gronderies à mon compte, et c’est ma langue qui se chargera des réponses. Dès que vous serez en état de vous remettre en marche, c’est moi qui vous le promets, soit que le gros homme nous ait dit ses « quelques mots, » soit qu’il ne les ait pas encore achevés, nous lèverons tranquillement le siége, et nous sortirons d’ici par le plus court chemin.

— Jusqu’au moment présent, dit alors M. Munder, je me suis abstenu d’exprimer une opinion. Mais le temps est venu… mistress Pentreath, pardonnez-moi… où étant investi, comme je le suis, d’un emploi de confiance dans cette maison, responsable de ce qui s’y passe, et en devant compte à qui de droit, sentant de plus, comme je le sens, que les choses ne peuvent, ne doivent pas en rester au point où elles sont, il est de mon devoir de vous dire que votre conduite me paraît fort extraordinaire. »

Cette conclusion, si péniblement amenée, était à l’adresse directe de Sarah, et après la lui avoir fait subir, M. Munder se rejeta en arrière, plein de paroles, vide d’idées, se préparant commodément à une nouvelle tentative oratoire.

« Mon seul désir, reprit-il avec l’accent adouci d’une impartialité plaintive, est d’agir loyalement envers chacun… Je ne