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rilleuses. La lumière du jour n’arrivait là que souillée ; l’air du ciel y était comme étouffé ; les bruits de la terre semblaient n’y avoir plus d’échos.

Plus d’échos ? le silence était-il donc si complet ? ou bien, au contraire, dans ce silence même, n’y avait-il pas, pour en augmenter l’horreur et, on l’eût dit, uniquement pour en faire mieux sonder la profondeur mystérieuse, quelque faible appel au sens de l’ouïe ?

Sarah écoutait, le visage encore tourné du côté du vestibule… Elle écoutait, et, derrière elle, entendit un léger bruit. Le bruit s’était-il produit en dehors de la porte à laquelle elle avait cessé de faire face… ou bien derrière cette porte ?… dans la chambre aux Myrtes ?

Oui, c’était bien là !… Au moment où cette conviction se fit en elle, Sarah perdit toute faculté de sentir. Elle oublia ce numérotage des portes qui lui avait tant donné à penser ; elle cessa de calculer le cours du temps, de songer qu’elle pouvait être découverte ; et, ses facultés convergeant sur un seul point, elle devint littéralement, selon l’expression vulgaire, « toute oreilles. »

Ce bruit faible, intermittent, était celui d’une chose qui glisse, et qui glisse furtivement. Il revenait par intervalles, s’éloignant et se rapprochant tour à tour, tantôt à une extrémité de la chambre aux Myrtes, tantôt à l’autre. Par moments, et soudain, très-distinct ; par moments s’éteignant en gradations insensibles, dont les dernières se pouvaient à peine apprécier. Tantôt il semblait balayer le sol par bonds saccadés ; tantôt il glissait, l’effleurant à peine, et comme rasant l’extrême limite de ce qui est le silence absolu.

Les pieds pour ainsi dire pris dans le sol, Sarah, lentement, tourna la tête, pouce par pouce, vers la porte de la chambre aux Myrtes. Un moment auparavant, alors qu’elle n’avait pas encore perçu le faible bruit qui en venait par instants, sa respiration était courte, pénible, pressée. Maintenant on eût pu la croire morte, tant sa poitrine était immobile et son haleine muette. Sur son visage se fit le même changement inexprimable qu’on avait pu y remarquer, à Truro, dans le salon de l’oncle Joseph, à l’heure où l’obscurité était venue l’y surprendre. Le même regard inquiet, interrogateur, qu’elle fixait alors sur les recoins ténébreux de cette petite pièce, se retrouvait maintenant dans ses yeux, tandis qu’ils se tournaient peu à peu vers la porte.