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« Jusque-là, remarqua mistress Pentreath, posant la lettre sur ses genoux, et la lissant et relissant avec un geste qui dénotait une certaine irritation, jusque-là rien de très-essentiel. La lettre me semble (bien entre nous, ceci) assez pauvrement écrite… Cette manière-là ressemble trop à la conversation familière pour approcher de ce que je crois être le style d’une grande dame ; mais ceci est affaire d’opinion… Je ne dirai pas, et je serai la dernière personne à dire que le début de la lettre de mistress Frankland n’est pas, en somme, parfaitement clair… C’est le milieu et la fin qui me donnent le désir de vous consulter, monsieur Munder.

— Fort bien, » dit M. Munder. Rien que deux mots, comme on voit ; mais que de bon sens dans ces deux mots ! La femme de charge s’éclaircit la voix avec un effort remarquablement bruyant, et continua sa lecture :

Mon principal objet en vous écrivant aujourd’hui est de vous engager de la part de M. Frankland, vous et M. Munder, à tâcher de savoir (sans le moindre éclat) si une certaine personne, qui maintenant voyage en Cornouailles, et à laquelle nous prenons un assez grand intérêt, aurait déjà été vue dans le voisinage de Porthgenna. La personne en question nous est connue sous le nom de mistress Jazeph. C’est une femme d’un certain âge, de manières tranquilles et distinguées, très-nerveuse en apparence, et d’une santé délicate. Elle s’habille, autant que nous avons pu en juger, avec un soin extrême, et ne porte jamais que des vêtements de couleur foncée. Ses yeux ont une expression singulière de timidité ; sa voix est remarquablement douce et contenue. Ses manières sont souvent empreintes d’une notable hésitation. J’insiste sur tous ces détails, qui doivent vous aider à la reconnaître dans le cas où elle ne voyagerait pas sous le nom qu’elle portait ici.

Par des raisons qu’il est superflu d’énumérer, nous regardons comme probable, mon mari et moi, que mistress Jazeph, à une époque quelconque de sa vie, a dû avoir des rapports avec les habitants de Porthgenna-Tower ou des environs. Qu’il en soit ou non ainsi, du moins est-il parfaitement certain qu’elle connaît à fond l’intérieur de cette habitation, et qu’elle y a un intérêt quelconque, jusqu’à présent incompréhensible pour nous. De tous ces faits, rapprochant la certitude où nous sommes qu’elle voyage maintenant en Cornouailles, nous devons regarder comme possible que vous, ou M. Munder, ou toute autre personne dépendant de nous, vous rencontriez la personne en question : et nous avons le plus vif désir, si par hasard elle demandait à visiter le manoir, non-seulement qu’on le lui montre avec tous les égards, toute la civilité possibles, mais aussi que vous puissiez rendre compte de tout ce qu’elle aura dit ou fait, depuis le moment de son entrée jusqu’à celui de son départ. Qu’on ne la perde pas de vue une seule minute, et, s’il