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route. Ah !… Sarah !… nous avons encore les yeux rouges… Qu’avez-vous donc rencontré qui vous ait fait pleurer ?… Bon, bon !… je comprends. Moins je vous ferai de questions, pour le quart d’heure, et meilleur gré vous m’en saurez… C’est bien… n’en parlons plus… Ah ! si fait, pourtant, j’ai encore une dernière question à vous poser… Pourquoi faisons-nous halte en cet endroit ?… Pourquoi ne pas continuer notre route ?

— Vous avez raison, cher oncle… Avançons sans plus tarder ! Je perdrai le peu de courage qui me reste, si nous demeurons plus longtemps à regarder le vieux château. »

Sans un seul instant de retard, ils descendirent le sentier. Arrivés où il finissait, ils se trouvèrent en face du mur qui fermait à l’est l’enceinte de Porthgenna-Tower. La principale entrée du manoir, entrée qui avait bien rarement servi dans ces dernières années, ouvrait sur la façade occidentale, et on y avait accès par une route en terrasse qui dominait la mer. On se servait, en général, d’une porte plus petite, ouvrant sur le côté sud du bâtiment, et qui, traversant les offices, conduisait au grand vestibule et à l’escalier du pavillon occidental. La vieille expérience qu’elle avait de ce séjour conduisit machinalement Sarah vers cette partie du manoir. Elle précédait, elle guidait son compagnon, et ils parvinrent ainsi à l’angle sud du mur oriental ; là elle s’arrêta, et regarda autour d’elle. Depuis qu’ils avaient rencontré le facteur, et durant toute la traversée des bruyères désertes, ils n’avaient pas aperçu une seule créature vivante. Et maintenant, bien qu’arrivés sous les murailles mêmes de Porthgenna, ni homme, ni femme, ni enfant, non pas même un animal domestique, ne se montrait encore.

« Quelle solitude ! dit Sarah, regardant autour d’elle avec méfiance. Bien plus complète que jamais je ne l’avais vue !…

— Si c’est pour me dire ce que je vois à merveille que vous m’arrêtez ici ! remarqua l’oncle Joseph, dont la joyeuseté invétérée eût tenu bon contre l’influence du Sahara lui-même.

— Non, non, répliqua-t-elle avec une vivacité inquiète ; mais la cloche qu’il faut faire sonner est si près maintenant… Nous en sommes à deux pas, ce coin une fois tourné… Je voudrais bien savoir ce que nous allons dire au domestique, une fois en face de lui… Vous m’avez assuré qu’il serait temps d’y songer quand nous serions arrivés devant la porte… Eh bien, mon oncle, nous y voici, ou bien près… Que ferons-nous ?