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que je ne veuille pas voir l’enfant de ma sœur aller, toute seule, courir les aventures dans les ténèbres ?… Je vous l’ai dit, le chagrin de Sarah est mon chagrin, la joie de Sarah est ma joie… Et maintenant, s’il n’y a pas autre parti à prendre… s’il faut réellement s’y décider, je dirai aussi : Les dangers que Sarah peut courir demain sont tout de même les dangers de l’oncle Joseph. »



CHAPITRE II.

Hors du manoir.


La matinée suivante n’apporta aucun changement dans les projets élaborés ce soir-là par l’oncle Joseph. Au sein de l’espèce de chaos qu’avaient produit dans son intelligence les récits et les plans de sa nièce, une idée simple avait fini par se dégager : c’est que Sarah était opiniâtrement résolue à se placer, sinon dans un péril positif, au moins dans une situation fort chanceuse. Une fois convaincu de ceci, tous ses instincts affectueux se réveillèrent à la fois, son besoin de dévouement se fit jour, et de là sa ferme détermination de ne pas laisser partir Sarah toute seule. Il s’y réfugia comme dans le meilleur abri contre toutes les anxiétés, les perplexités, le vague malaise, les craintes enfin, où l’avaient jeté la physionomie de sa nièce, le langage tenu par elle, et sa conduite mystérieuse. Appuyé sur la seule force qu’il y eût en lui, la force d’une générosité prête à tous les sacrifices, lorsque sa nièce et lui, le matin, se revirent, et lorsqu’il l’entendit se blâmer du dévouement qu’elle acceptait, des hasards sérieux auxquels elle souffrait qu’il s’exposât en son honneur, il refusa, tout aussi obstinément que la veille, de prêter l’oreille à ses discours. Inutile, disait-il, d’ajouter un seul mot à ce qui avait été convenu. Renonçait-elle à partir pour Porthgenna ? En ce cas, elle n’avait qu’à le dire ; sinon, ce serait user inutilement sa poitrine que de causer davantage, car il était parfaitement sourd à tout ce qu’elle pourrait inventer en fait de remontrances. S’étant ainsi expliqué fort catégoriquement, l’oncle Joseph tint la question pour vidée, et voulut rendre à la conversation une tournure