Page:Collins - Le Secret.djvu/174

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous donc ?… Pourquoi m’entretenir de ce mari et de cette femme ?… Parole d’honneur ! Sarah, vos explications n’expliquent rien… elles ne servent qu’à ramollir le cerveau.

— Mon oncle, il faut que je parle d’elle et de M. Frankland. Porthgenna-Tower appartient maintenant à ce dernier… Et ils sont sur le point d’aller s’y établir.

— Ah, bon !… nous revoilà sur le droit chemin, en fin de compte.

— Ils vont aller vivre dans la maison même où est caché le Secret ; ils vont faire remettre à neuf cette portion même de l’édifice où la lettre est cachée… Elle veut… elle me l’a dit elle-même… explorer les vieux appartements… Elle veut y fouiller pour amuser sa curiosité… Des ouvriers les nettoieront de fond en comble… et, durant ses heures de loisir, elle sera là, surveillant leurs travaux.

— Mais du Secret, elle ne soupçonne rien ?

— Dieu veuille qu’elle n’ait jamais un pareil soupçon !

— Et dans la maison, il y a beaucoup de chambres ?… Et la lettre qui renferme le Secret est cachée dans une de ces chambres si nombreuses ?… Pourquoi supposer qu’elle tombera justement sur celle-ci ?

— Pourquoi ?… Parce que je dis toujours ce qu’il faudrait taire… parce que je m’effraye et me perds au moment où un peu de sang-froid me sauverait. La lettre est cachée dans une pièce appelée la chambre aux Myrtes ; et j’ai été assez sotte, assez faible, assez insensée pour l’avertir qu’elle ne devait pas y entrer.

— Ah ! Sarah !… Sarah !… Voilà un pas de clerc.

— Je ne saurais dire à quelle obsession j’étais en proie. Lorsque je l’ai entendue se promettre innocemment le plaisir de fouiller ces antiques appartements, et lorsque j’ai songé à ce qu’elle y pouvait trouver, il m’a semblé que ma raison m’abandonnait… Il est vrai que la nuit se faisait justement alors… L’obscurité redoutée s’amoncelait dans les angles, et montait après les murs. Je voulais allumer les bougies, et n’osais m’y décider, de peur qu’elle ne lût la vérité sur mon visage… et quand je les eus allumées, ce fut bien pis… Oh ! je ne sais ni comment ni pourquoi j’agis ainsi… J’aurais dû me couper la langue avec les dents plutôt que de prononcer ces paroles, et je les prononçai, cependant… Il y a des gens qui ont toujours à propos une bonne pensée… Il y a des gens qui, de deux démarches, ne manquent jamais la meilleure…