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vous étiez échappée… vous n’aviez prévenu personne… et vous parliez peu. Ah ! mais, bien peu… même à votre oncle Joseph… même à moi.

— Je vous racontai cependant, dit Sarah, baissant la voix au point que le vieillard pouvait à peine distinguer ses paroles… je vous racontai que ma maîtresse, sur son lit de mort, m’avait légué un Secret… un Secret renfermé dans une lettre que je devais remettre à mon maître. Je vous racontai que j’avais caché cette lettre, ne pouvant me résoudre à la livrer… et cela, parce que je préférais mille morts à la honte d’être interrogée sur ce qu’elle renferme… Je vous racontai tout cela, je m’en souviens… Ne vous racontai-je rien de plus ?… Ne vous dis-je pas, alors, que ma maîtresse m’avait fait prêter, sur la Bible, un serment solennel ?… Mon oncle, y a-t-il des flambeaux dans cette chambre ?… Y a-t-il des flambeaux que nous puissions allumer sans déranger personne, sans appeler, sans faire entrer qui que ce soit ?

— Il y a, dans mon armoire, des flambeaux et des allumettes, répondit l’oncle Joseph… Mais regardez à la fenêtre, Sarah ; le jour est à peine obscurci par le crépuscule… Il ne fait pas encore nuit.

— Pas dehors, mais ici…

— Où donc ?

— Dans ce coin… Ayons de la lumière !… Je n’aime pas ces ténèbres qui s’entassent aux coins des chambres et montent silencieusement le long des murs. »

L’oncle Joseph regarda autour de la pièce, comme pour s’expliquer la cause de cette horreur si singulièrement manifestée ; et il souriait, à part lui, en tirant de l’armoire deux flambeaux qu’il se hâta d’allumer : « Vous voilà comme les enfants, dit-il ensuite d’un ton badin, tandis qu’il baissait la persienne… vous avez peur dans l’obscurité. »

Sarah ne parut point l’avoir écouté. Ses yeux étaient obstinément fixés sur le coin de la chambre qu’un moment auparavant elle lui montrait du doigt ; quand il reprit sa place à côté d’elle, ce regard ne changea pas de direction, mais elle posa sa main sur le bras du vieillard, et lui dit tout à coup :

« Mon oncle !… croyez-vous que les morts puissent revenir ici-bas, suivre en tous lieux les vivants, et voir à chaque instant ce qu’ils font ? »

Le vieillard tressaillit.