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en retraite, avant de s’établir définitivement près de la toilette, au poste que tout d’abord elle avait paru adopter. Elle demeura là, silencieuse et hors de vue, jusqu’à ce que l’enfant, calmé par degrés, se fût endormi entre les bras de sa mère, sur le sein de laquelle resta une de ses petites mains rosées. Rosamond ne put résister au désir de porter cette main à ses lèvres, encore qu’elle risquât ainsi de réveiller le dormeur. Le bruit de ce baiser eut pour écho celui d’un sanglot, bas et contenu, qui partait de derrière les rideaux fermés au pied du lit.

« Qu’y a-t-il ? s’écria-t-elle.

— Rien, madame, dit mistress Jazeph de ce même accent contraint et mystérieux, qu’elle avait eu en répondant à la première question de mistress Frankland. Je crois que j’allais succomber au sommeil, dans ce bon fauteuil où me voici installée ; et, ce que j’aurais dû peut-être vous dire plus tôt, il m’arrive parfois, assiégée de pénibles souvenirs, et sujette à une affection du cœur, il m’arrive, dis-je, de soupirer en dormant. Il ne faut pas y prendre garde, et j’espère, madame, que vous voudrez bien excuser cette faiblesse involontaire. »

La générosité naturelle de Rosamond fut à l’instant même éveillée : « L’excuser ? s’écria-t-elle… J’espère mieux, mistress Jazeph. J’espère pouvoir contribuer à la guérir. Quand M. Orridge viendra, demain matin, vous le consulterez, et j’aurai soin de vous procurer tous les remèdes qu’il pourra prescrire… Oh ! ne me remerciez pas avant d’être guérie… et, puisque le fauteuil est si commode, restez où vous êtes. Voilà le petit rendormi, et je voudrais prendre une bonne demi-heure de repos, avant de m’installer définitivement pour la nuit… Pour le moment donc, restez où vous êtes… Je vous appellerai dès que j’aurai besoin de vous. »

Loin de rendre le calme à mistress Jazeph, ces bonnes paroles eurent pour résultat imprévu d’accroître encore ses agitations. Elle se mit à parcourir la chambre de tous côtés, essayant d’attribuer ce changement d’allures au désir de s’assurer que tout était bien réellement en ordre. Quelques minutes après, ne tenant aucun compte des prescriptions du docteur, elle provoqua mistress Frankland à parler, en lui adressant, sur Porthgenna-Tower, toute sorte de questions, et en débattant avec elle la probabilité qu’un pareil lieu pût devenir la résidence élue de deux jeunes mariés.

« Après tout, madame, disait-elle d’une voix dont l’émotion