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Jazeph, dit-il en terminant, je vais, mistress Frankland, en vous souhaitant le bonsoir, servir d’exemple à ceux qui doivent vous laisser prendre un repos absolument nécessaire. »

L’insinuation était transparente ; M. Frankland ne s’y méprit pas et il essaya, lui aussi, de prendre congé. Mais sa femme, qui ne voulait pas lâcher ses mains, déclara qu’il ne fallait pas s’attendre à ce qu’elle se le laissât enlever avant une bonne demi-heure. M. Orridge, secouant la tête, commença un plaidoyer en règle, où les dangers de toute agitation prolongée étaient comparés aux bénéfices du calme et du sommeil. Ses remontrances, pourtant, auraient produit peu d’effet, alors même que Rosamond lui eût permis de les continuer, sans l’heureuse intervention du baby, qui prit ce moment pour s’éveiller, et qui, attirant à lui toute l’attention maternelle, devint pour le médecin un très-puissant auxiliaire. M. Orridge n’eut plus qu’à saisir l’occasion qui s’offrait, et à conduire sans bruit M. Frankland hors de la chambre, pendant que Rosamond prenait son enfant dans ses bras. Avant de refermer la porte, il s’arrêta pour glisser tout bas un dernier mot à mistress Jazeph.

« Si mistress Frankland veut parler, lui dit-il, vous ne devez pas l’y encourager. Aussitôt qu’elle aura calmé le baby, elle devrait essayer de dormir. Il y a, dans ce coin, un fauteuil-canapé que vous pourrez ouvrir pour vous coucher aussi. Maintenez les flambeaux où ils sont, dissimulés par les rideaux. Moins la malade verra de la lumière, plus vite le calme et le sommeil lui viendront. »

Mistress Jazeph ne répondit pas ; elle regarda simplement le docteur et lui fit sa révérence. L’expression effarée de son regard, qui l’avait frappé dès le premier abord, était plus marquée que jamais au moment où il la laissait ainsi, pour la nuit entière, auprès de la mère et de l’enfant : « Ce n’est pas là notre affaire, pensait M. Orridge, tout en reconduisant M. Frankland au bas de l’escalier… Il faudra, tout considéré, demander une garde à Londres. »

Un peu irritée du sans-gêne avec lequel on lui avait enlevé son mari, Rosamond rejeta sèchement les services que mistress Jazeph s’empressa de lui offrir aussitôt que le docteur fut parti. La garde subit en silence ces petites rebuffades ; et cependant, autant que sa manière d’être pouvait le faire présumer, elle avait grande envie de prendre la parole. Par deux fois elle s’avança vers le lit, ouvrit la bouche, s’arrêta et battit