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dans son lit, et se sentait comme paralysée. Sa tête, qu’elle eût voulu incliner de manière à aider l’emploi de la brosse, se refusait à ce mouvement si simple. Elle n’osait plus regarder autour d’elle ; elle ne savait comment rompre le silence embarrassant qu’elle même avait produit par ses réponses écourtées et décourageantes. À la fin, cette oppression dont elle avait conscience, et qu’elle ne s’expliquait pas, l’irrita tellement qu’elle en vint à ôter brusquement la brosse des mains de mistress Jazeph. À peine ce mouvement irréfléchi venait-il de s’accomplir qu’elle en eut honte, et une honte d’autant plus vive que l’attitude de la garde exprimait plus de surprise et d’effroi. Avec un profond sentiment de ce que sa conduite avait d’absurde, elle ne put cependant prendre sur elle de réprimer cet emportement involontaire, et, tout en riant, jeta la brosse au pied du lit.

« Ne soyez pas si étonnée, mistress Jazeph, dit-elle ensuite, continuant à rire aux éclats, mais sans savoir pourquoi et sans être, au fond, le moins du monde égayée. Je dois vous paraître bien étrange et bien malapprise… Vous brossez mes cheveux avec un talent remarquable ; mais, je ne puis dire comment, il me semblait, tout le temps, que cette brosse chassait à l’intérieur de mon cerveau les visions les plus folles… Je ne puis m’empêcher d’en rire encore… Vraiment, il faut, bon gré mal gré, que j’en rie… Savez-vous bien qu’une ou deux fois je me suis imaginé, votre visage se rapprochant du mien, que… que vous aviez envie de m’embrasser ?… Avez-vous jamais entendu parler d’aussi ridicules imaginations ?… Il faut bien me l’avouer, je suis, à certains égards, plus enfant que ce cher bijou couché là sur mon lit. »

Mistress Jazeph ne répondit point. Elle s’éloigna du lit, Rosamond parlant encore, et revint après un temps dont la longueur pouvait difficilement s’expliquer, apportant l’eau de Cologne coupée. En présentant à mistress Frankland la cuvette où celle-ci baignait son front, elle eut soin de se tenir à longueur de bras, et ne se rapprocha pas davantage quand elle lui tendit sa serviette. Rosamond se dit alors que sans doute elle avait sérieusement offensé mistress Jazeph ; aussi voulut-elle l’apaiser, indirectement, en la questionnant et lui demandant ses bons avis sur les soins à donner au baby. La douce voix de la garde tremblait quelque peu lorsqu’elle répondit simplement et tranquillement aux questions qui lui étaient faites ; mais il n’y avait dans son accent aucune trace de res-