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soins qu’elle donnerait à mistress Frankland, et de requérir, en somme, une garde de Londres, à moins que mistress Jazeph ne témoignât, dans ses nouvelles attributions, d’un grand zèle et d’une véritable capacité.

La chambre occupée par mistress Frankland était tout au fond de la maison, et on l’avait ainsi choisie, afin que la malade fût aussi éloignée que possible du bruit et de l’agitation qui régnaient constamment à la porte de l’auberge. La seule fenêtre qui l’éclairât donnait sur quelques cottages épars, au delà desquels s’étendaient les riches pâturages qu’on voit dans l’ouest du Somersetshire, bornés par une longue ligne monotone de coteaux chargés de bois épais. Le lit était à l’ancienne mode, à baldaquin, et avec les éternels rideaux de damas que chacun sait. Ce lit, adossé au mur, se projetait au milieu de la chambre, de manière à ce que la personne couchée avait à sa droite la porte, à sa gauche la fenêtre, et la cheminée vis-à-vis le pied du lit. Du côté donnant vers la fenêtre, les rideaux étaient ouverts, tandis qu’au pied, et du côté de la porte, ils étaient hermétiquement clos. On comprend, dès lors, qu’une personne franchissant le seuil de la porte ne voyait rien à l’intérieur du lit.

« Comment vous sentez-vous aujourd’hui, mistress Frankland ? demanda M. Orridge, portant la main aux rideaux qu’il allait écarter. Redouteriez-vous qu’on donnât à l’air un peu plus d’accès autour de vous ?

— Au contraire, docteur, je n’en serais que plus à mon aise, répondit-on… Mais j’ai bien peur, si par hasard vous avez bien voulu me croire un peu de bon sens, de me faire tort dans votre estime, en vous laissant voir de quoi je m’occupe depuis une heure. »

M. Orridge sourit en tirant les rideaux, et se mit à rire tout à fait en voyant l’enfant et sa mère. Mistress Frankland, éprise des couleurs voyantes, s’était amusée, pendant que son fils dormait, à le décorer de rubans bleus. Elle avait ainsi fait au baby un collier, des nœuds d’épaule, des bracelets tout pareils ; et, pour ajouter à l’originalité de cette mascarade, le petit bonnet coquet de sa mère avait été posé de côté sur la tête chauve de l’enfant, avec une crânerie tout à fait comique. Rosamond elle-même, comme si elle eût voulu rivaliser d’éclat avec son nouveau-né, avait un léger pardessus rose, orné sur la poitrine et sur les manches d’une garniture de satin blanc disposée en festons. Des fleurs de cytise, cueillies le matin