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— Oui, monsieur, répliqua l’hôtesse, et elle m’a semblé un peu chagrinée quand je l’ai priée de vouloir bien attendre que vous fussiez là. Voulez-vous l’aller trouver, monsieur ? Montez par ici. Elle est dans mon salon. »

M. Orridge suivit l’hôtesse dans une petite pièce au fond de la cour, et trouva mistress Jazeph assise dans le coin le plus éloigné de la fenêtre. Il fut un peu surpris de la voir abaisser son voile au moment où elle entendit la porte s’ouvrir.

« Je suis fâché qu’on vous ait fait attendre, dit-il, mais j’ai été mandé près d’un malade. De plus, je vous avais dit, veuillez vous en souvenir, entre sept et huit heures… Or il n’est pas tout à fait huit heures.

— Je désirais vivement arriver à temps, monsieur, » dit mistress Jazeph.

Dans ces paroles qu’elle prononçait sur le ton le plus calme, il y avait cependant quelque chose de contraint qui frappa l’oreille de M. Orridge, et le jeta dans quelque perplexité. Elle semblait craindre que, non-seulement sa voix, mais son visage aussi, ne lui en dissent plus long que les mots dont elle se servait. Quel sentiment avait-elle donc à déguiser ? Était-ce, par hasard, quelque déplaisance causée par l’espèce de quarantaine qu’on lui avait fait faire dans l’appartement de l’hôtesse ?

« Si vous voulez bien m’accompagner, dit M. Orridge, je vais sur-le-champ vous conduire auprès de mistress Frankland. »

Mistress Jazeph se leva lentement, et, une fois debout, posa un instant la main sur une table auprès d’elle. Ce geste, si peu qu’il durât, servit à confirmer le docteur dans l’idée qu’il avait qu’elle n’était pas de force à faire le métier pour lequel elle s’était offerte.

« Vous avez l’air fatiguée, lui dit-il, tout en la devançant hors la chambre… Bien certainement, vous n’êtes pas venue à pied ?

— Non, monsieur ; madame a eu la bonté de me faire conduire dans la pony-chaise[1]. »

Sa voix était toujours contrainte, pendant qu’elle répondait ainsi, et elle n’avait pas encore fait mine de relever son voile. Aussi, en montant l’escalier de l’hôtel, M. Orridge prit-il, à part lui, la résolution de surveiller de près les premiers

  1. Petit char à banc attelé de chevaux nains qu’on appelle ponies.