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Je prends donc sur moi de me proposer, monsieur, continua-t-elle, s’adressant au docteur, et sur un ton dès lors plus calme et plus sérieux, pourvu que madame y consente, comme pouvant servir de garde jusqu’à ce que vous en ayez trouvé une plus capable que je ne le suis.

— Qu’en dites-vous, monsieur Orridge ? » demanda mistress Norbury.

Le docteur, à son tour, avait tressailli quand il avait entendu la première offre de mistress Jazeph. Sa réponse à mistress Norbury fut précédée de quelque hésitation, mais il dit enfin :

« Je ne puis, à un doute près, que remercier mistress Jazeph de son offre obligeante, et l’accepter avec reconnaissance. »

Les yeux timides de mistress Jazeph restaient fixés sur lui, tandis qu’il parlait, et ils exprimaient une perplexité pénible. Mistress Norbury, avec sa franchise accoutumée, lui demanda immédiatement de quel doute il s’agissait.

« Je n’ai pas l’intime conviction, répondit M. Orridge, que mistress Jazeph (elle pardonnera cette objection à un médecin), soit assez forte et assez maîtresse de ses nerfs pour remplir les fonctions dont elle a la bonté de vouloir bien se charger. »

Malgré la parfaite courtoisie avec laquelle cette explication avait été donnée, mistress Jazeph en parut toute décontenancée et toute peinée. Une tristesse calme et résignée, très-touchante à voir, se peignit sur son visage, au moment où, sans ajouter un mot, elle se détourna, se dirigeant vers la porte.

« Attendez un peu !… lui cria la bonne mistress Norbury… ou, si vous vous en allez un instant, soyez de retour dans cinq minutes !… Je suis convaincue que nous aurons quelque autre chose à vous dire. »

La reconnaissance de mistress Jazeph s’exprima par un regard, et ce regard fut si brillant que mistress Norbury se demanda si, dans le moment même, des larmes n’allaient pas en jaillir. Mais, avant qu’elle eût pu vérifier le fait, mistress Jazeph avait fait sa révérence au docteur, et s’était silencieusement éclipsée.

« Maintenant que nous voilà seuls, monsieur Orridge, dit mistress Norbury, je dois vous dire, en toute déférence pour votre jugement, que vous vous exagérez un peu la débilité nerveuse de mistress Jazeph. Elle n’a point une brillante apparence ; mais, après cinq ans d’épreuve je puis vous le dire, elle est