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parler, il vit mistress Jazeph changer encore de couleur. Une rougeur de poitrinaire vint marbrer ses joues de deux taches brillantes. Son regard timide, où se peignait une certaine anxiété, parcourut tout l’appartement, et les doigts de ses mains qu’elle serrait l’une contre l’autre s’entrelacèrent par une sorte de mouvement mécanique : « Voilà, se disait le docteur, un beau traitement à essayer… » Et il suivait, d’un œil assidu, tous les soubresauts nerveux de ces mains pâles et crispées.

« Pensez-y encore ! répéta mistress Norbury… Je veux à tout prix, si cela m’est possible, tirer de là cette pauvre jeune femme.

— Je suis désolée, dit mistress Jazeph d’une voix haletante et faible, je suis vraiment désolée de ne voir personne à vous désigner, mais… »

Ici elle s’arrêta. L’enfant le plus timide, mis pour la première fois en rapport avec des personnes étrangères, n’aurait pas pu avoir l’air plus déconcerté. Ses yeux semblaient rivés au parquet. Sa rougeur augmentait. Ses doigts se contractaient les uns sur les autres par des mouvements de plus en plus précipités.

« Mais, quoi ? demanda mistress Norbury.

— J’allais dire, madame, répondit mistress Jazeph, parlant avec un effort et une gêne extrêmes, et sans lever les yeux sur sa maîtresse, j’allais vous dire que, pour ne pas laisser cette dame tout à fait dépourvue… et à cause du grand intérêt que vous témoignez pour elle… je consentirais… si pourtant vous pouviez vous passer de moi… oui, je consentirais…

— Quoi donc ? vous seriez sa garde-malade ?… vous ?… s’écria mistress Norbury. Eh bien ! sur ma foi, malgré vos tours et détours, vous prenez là une détermination qui fait le plus grand honneur à votre bonté de cœur, à votre désir d’obliger et d’être utile… Pour ce qui est de me passer de vous, je ne suis pas égoïste à ce point de penser deux fois, en pareilles circonstances, à l’ennui de me priver de ma femme de charge… La question, maintenant, est de savoir si votre compétence égale votre bon vouloir… Avez-vous jamais soigné des malades ?

— Oui, madame, répondit mistress Jazeph, toujours sans lever les yeux. Peu après mon mariage… » À ces mots, sa rougeur disparut, et son visage revint à sa pâleur habituelle… « J’eus occasion de faire quelque temps ce métier, que je continuai, par intervalles, jusqu’au jour où je perdis mon mari.