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maladroites, les pieds lourds, bonnes campagnardes au demeurant, pleines de zèle et de bon vouloir, mais trop mal usagées pour qu’on pût songer à les placer au chevet d’une belle et délicate dame comme mistress Frankland. La matinée s’écoula et l’après-midi s’avançait, sans que M. Orridge eût découvert une remplaçante convenable pour la garde-malade tout à coup mise hors de service.

À deux heures, il se mettait en route pour une maison de campagne où l’appelait une enfant malade. Le trajet devait être d’une demi-heure. « Peut-être, pensait M. Orridge en grimpant dans son tilbury, peut-être, à l’aller ou au retour, me viendra-t-il quelque bonne idée, avant ma visite du soir. »

Fouillant sa cervelle, dans les meilleures intentions du monde, pendant qu’il se rendait à sa destination, M. Orridge y arriva sans autre invention que l’idée de soumettre son embarras à mistress Norbury, la dame dont il allait soigner l’enfant. Après avoir acheté la clientèle de West-Winston, il l’était venue voir une des premières, et avait trouvé en elle une de ces dames que leur bienveillante maturité, leur franchise, leurs bons avis font généralement surnommer « de bonnes petites mères. » Son mari était un squire campagnard, célèbre pour sa politique arriérée, ses bons mots d’almanach, et son vin d’un âge recommandable. À l’appui du bon accueil que sa femme faisait au nouveau médecin, il l’avait régalé de facéties vieillottes sur le peu qu’il espérait lui donner à faire, et sa ferme résolution de n’admettre chez lui, en fait de fioles, que celles où se conservent les bons vins de Portugal et de France. M. Orridge avait ri aux plaisanteries du mari, accepté le bon vouloir presque maternel de la femme, et il pensa qu’après tout, avant de jeter le manche après la cognée, il pouvait bien demander conseil à mistress Norbury, qui résidait depuis longtemps dans le voisinage de West-Winston.

En conséquence, après avoir examiné l’enfant, et déclaré que l’état de la petite malade ne devait causer à personne la moindre inquiétude, M. Orridge, par voie préliminaire, et pour frayer la voie au demeurant de sa communication, s’enquit de mistress Norbury si elle avait ouï parler de l’intéressant événement survenu à la Tête de Tigre.

« Vous voulez savoir, lui répliqua mistress Norbury, qui était une femme toute ronde, abordant résolument l’anglais le plus catégorique, si j’ai entendu parler de cette dame que les