Page:Collins - Le Secret.djvu/11

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Chut !… » s’écria l’autre, se levant soudain de sa chaise.

Une sonnette vibrait dans le corridor extérieur.

« Est-ce pour un de nous ? demanda Joseph.

— Ne savez-vous pas encore distinguer le timbre de ces sonnettes ? s’écria Robert, non sans quelque dédain. Celle-ci appelle Sarah Leeson. Allez plutôt voir dans le corridor. »

Le plus jeune des deux valets prit un flambeau, et suivit le conseil qui lui était donné. En ouvrant la porte de la cuisine, il vit, sur la muraille en face de lui, une longue rangée de sonnettes. Au-dessus de chacune était peint, en lettres noires, le titre du domestique qu’elle était destinée à faire marcher. À une extrémité figuraient la femme de charge et le sommelier ; à l’autre bout, la fille de cuisine et le petit saute-ruisseau de cet aristocratique établissement.

Joseph, par un simple coup d’œil jeté sur ces sonnettes, distingua celle qui, muette déjà, s’agitait encore sur sa tige frémissante. Au-dessus étaient ces mots : Femme de chambre. Instruit par là de ce qu’il avait à faire, il longea vivement le corridor et alla frapper à une grande porte en chêne, travaillée à l’ancienne mode, qui en fermait une des extrémités. Ne recevant aucune réponse, il ouvrit et regarda. La chambre était obscure et déserte.

« Sarah n’est pas dans la chambre de la femme de charge, dit Joseph à son camarade qu’il était allé rejoindre.

— Elle est donc rentrée chez elle, répliqua l’autre. Montez lui dire que sa maîtresse la demande. »

La sonnette retentit de nouveau, comme Joseph se mettait en route.

« Vite, vite ! s’écria Robert. Dites-lui qu’on la demande à l’instant même. On la demande, continua-t-il plus bas et se parlant à lui-même, et peut-être pour la dernière fois. »

Joseph gravit trois étages, traversa jusqu’à la moitié de sa longueur une longue galerie en arceaux, et heurta de nouveau à une autre vaste porte de chêne. Cette fois on répondit au signal. Une voix claire, douce, modérée, à l’intérieur de la chambre, s’enquit de la personne qui frappait. En peu de mots, et fort à la hâte, Joseph transmit son message. Il n’avait pas fini de parler que la porte s’ouvrait sans bruit, bien que vivement poussée. Sarah Leeson, un flambeau à la main, se montra debout sur le seuil.

Ni grande, ni belle, ni dans la fleur de l’âge, avec des manières timides qui trahissaient l’irrésolution de sa volonté,