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glais ceci voulait dire que, parmi les nouveau-nés du prochain trimestre, il s’en trouverait sans doute un qui porterait le nom de Frankland, et deviendrait (si toutefois il avait le bonheur d’accroître la population virile du Royaume-Uni) l’héritier naturel du domaine de Porthgenna, auquel cas sa venue au monde ne manquerait pas de produire une certaine sensation dans tout le Cornouailles occidental.

Au mois suivant, au mois d’avril, alors que la femme de charge et l’intendant n’avaient pas encore achevé de discuter à fond les conséquences probables de l’éventualité annoncée, le facteur fit à Porthgenna une de ses apparitions toujours bienvenues, et apporta une nouvelle missive de mistress Frankland. Le visage de la femme de charge rayonna d’une joie et d’une surprise inusitées dès qu’elle eut parcouru les premières lignes. La lettre annonçait que la visite, si longtemps différée, aurait définitivement lieu dans le courant de mai. Du 1er au 10, on pouvait tous les jours compter sur l’arrivée du jeune ménage dans le vieux manoir.

Les motifs qui avaient déterminé les propriétaires de Porthgenna-Tower à fixer enfin une époque précise pour la visite qu’ils y comptaient faire, tenaient à certaines particularités dont mistress Frankland n’avait pas jugé à propos de faire mention. Voici en somme de quoi il retournait : le mari et la femme ne s’étaient pas trouvés d’accord sur le lieu de résidence qu’il leur faudrait chercher après le retour des voyageurs dont ils occupaient la maison. M. Frankland avait fort sagement proposé de retourner à Long-Beckley, non-seulement à cause du voisinage de tous leurs plus anciens amis, mais aussi parce que (considération à laquelle les circonstances donnaient un grand poids) cet endroit avait, sur beaucoup d’autres, l’avantage de posséder un excellent médecin, établi à poste fixe. Par malheur, cet argument, au lieu d’influer sur la détermination de mistress Frankland, était au fond le meilleur qu’on eût pu faire valoir pour la prémunir contre l’idée de retourner à Long-Beckley. Le médecin en question lui avait toujours inspiré (elle s’en accusait) une antipathie déraisonnable. Qu’il fût très-habile, fort poli, parfaitement respectable, elle ne pouvait le nier ; mais elle ne l’avait jamais goûté, il ne lui plairait jamais, et elle était fort résolue in petto à combattre toute idée d’habiter Long-Beckley, puisque ce plan de vie l’obligerait à subir les soins de ce personnage. Deux autres lieux de séjour furent ensuite proposés tour à tour ; mais mis-