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tante par une maison de correction ; Rosanna Spearman avait été une voleuse ?

— Ceci, on ne peut le nier, monsieur Franklin. Mais qu’en résulte-t-il ?

— Qu’en résulte-t-il ? Comment pouvons-nous savoir si ce n’est pas elle qui a volé le diamant ? N’a-t-elle pas pu tacher volontairement ma robe de nuit avec de la peinture…

Betteredge posa sa main sur mon bras et m’arrêta avant que j’eusse pu poursuivre :

« Vous prouverez votre innocence, monsieur Franklin, ceci ne peut faire l’ombre d’un doute ; mais j’espère que ce ne sera pas de cette façon ; lisez d’abord la lettre : par respect pour la mémoire de cette pauvre fille, voyons d’abord la lettre. »

Je fus frappé du sérieux avec lequel il me parlait, et le ressentis presque comme un reproche.

« Vous vous formerez une opinion d’après sa lettre, dis-je ; je vais vous la lire. »

Je commençai par les lignes suivantes :

« Monsieur, j’ai un aveu à vous faire ; une confession qui renferme bien des souffrances peut parfois être contenue en quelques lignes ; la mienne se composera de trois mots : je vous aime. »

Le papier me tomba des mains ; je regardai Betteredge.

« Au nom du ciel, dis-je, que signifie cela ? »

Il parut craindre de répondre à ma question.

« Vous et Lucy la Boiteuse avez été seuls ensemble ce matin ; ne vous a-t-elle rien dit sur Rosanna Spearman ?

— Elle ne l’a même pas nommée.

— Veuillez reprendre la lettre, monsieur Franklin. Je vous le dis franchement, je n’ai pas le cœur de vous affliger après tout ce que vous avez déjà eu à supporter. Laissez la parler pour elle-même, monsieur, et continuez votre grog. Croyez-moi, dans votre intérêt, achevez votre grog. »

Je repris la lecture de la lettre :

« Il serait honteux à moi de venir vous faire cet aveu si, lorsque vous le lirez, j’étais encore en vie ; je serai morte et disparue quand vous trouverez ma lettre, et c’est là ce qui m’inspire de la hardiesse. Il ne restera pas même de moi une tombe pour rappeler mon souvenir ; je puis donc dire la vé-