Les uns après les autres, ces mots passèrent à travers ma tête et se répétèrent comme un refrain mécanique. Cette situation durait depuis plusieurs minutes qui m’avaient paru des siècles, quand j’entendis quelqu’un m’appeler. Je levai les yeux et vis que Betteredge était à bout de patience ; il se dirigeait vers le rivage.
La vue du vieillard me rappela à moi-même, et je sentis que l’enquête commencée était encore incomplète. J’avais bien découvert la tache sur la robe de nuit, mais à qui appartenait cet objet de toilette ?
Mon premier mouvement fut de consulter la lettre que j’avais trouvée dans le coffre et que j’avais dans ma poche ; mais au moment où je la prenais, je pensai que le moyen de plus court était de demander la solution de l’énigme au vêtement lui-même, car selon toute apparence il devait être marqué du nom de son possesseur.
Je le pris entre mes mains et cherchai la marque.
Je la trouvai, et lus :
Mon propre nom !
J’avais sous les yeux la marque bien connue qui m’assurait que le vêtement m’appartenait ; je regardai tout autour de moi ; c’était bien le soleil qui brillait sur ma tête et faisait miroiter les eaux de la baie ; je voyais Betteredge se rapprocher de moi ; j’examinai de nouveau les lettres ; mon nom, mon propre nom me sautait aux yeux.
« Je n’épargnerai rien, ni le temps, ni les peines, ni l’argent, pour mettre la main sur l’auteur du vol. »
J’avais quitté Londres ces mots sur les lèvres, j’avais pénétré le secret que le sable avait caché à toute créature vivante ; et le témoignage irrécusable de la tache de peinture venait me convaincre que le voleur… c’était moi !