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« Mais oui !

— Pouvez-vous dormir ?

— Oui.

— Quand vous voyez une pauvre fille en service, ne sentez-vous aucun remords ?

— Certainement non, pourquoi en aurais-je ? »

Elle me jeta brusquement, comme on dit, la lettre au nez.

« Prenez-la ! cria-t-elle en fureur ; je ne vous ai jamais vu avant ce moment, et j’espère, Dieu aidant, ne plus vous revoir désormais. »

Sur ce gracieux adieu, elle me quitta et s’enfuit à toutes béquilles. La seule façon dont je pusse m’expliquer sa conduite est celle qui sans doute s’est déjà présentée à l’esprit de chacun ; je dus supposer qu’elle était folle.

Après avoir adopté cette conviction, je m’occupai des recherches plus intéressantes dont la lettre de Rosanna Spearman m’offrait la matière.

L’adresse était écrite ainsi qu’il suit : « Pour Franklin Blake, Esquire. Pour être remise en ses mains, et n’être confiée à personne d’autre, par Lucy Yolland. »

Je brisai le cachet ; l’enveloppe contenait une lettre, et celle-ci, à son tour, renfermait un morceau de papier. Je lus d’abord la lettre :

« Monsieur, si vous êtes curieux de connaître la raison de mon attitude vis-à-vis de vous pendant que vous étiez chez lady Verinder, faites ce qui vous est indiqué dans le mémorandum ci-joint, et faites-le en l’absence de tout témoin. Votre très-humble servante,

Rosanna Spearman. »

Je pris ensuite le bout de papier, dont voici la copie textuelle :

« Mémorandum. — Aller aux Sables-Tremblants à l’heure de la marée basse ; marcher vers la Broche du Sud, jusqu’à ce que la balise des rocs Sud et la hampe du drapeau placés au-dessus de Cobb’s Hole soient sur une même ligne. Placer le long des rochers un bâton ou quelque chose de droit qui puisse guider la main, juste dans la ligne de la pointe et du drapeau ; prendre garde en faisant cela qu’un bout du bâton