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« Pourquoi êtes-vous monté ici, Godfrey, dit-elle, au lieu d’entrer dans la bibliothèque ? »

Il rit doucement, et répondit :

« Miss Clack est dans la bibliothèque.

— Clack dans la bibliothèque ! » elle s’assit immédiatement sur le canapé ; « vous avez bien raison, Godfrey, nous sommes beaucoup mieux ici. »

Un moment auparavant, j’étais en proie à une véritable fièvre, et ne savais à quoi me résoudre. Tout mon sang-froid me revint alors, et il ne me resta aucune hésitation. Me montrer après ce que j’avais entendu devenait impossible ; me retirer — à moins que ce ne fût dans la cheminée — était une autre impossibilité. Je n’avais que le martyre devant moi ! et je me dus à moi-même d’arranger sans bruit les rideaux, de façon au moins à voir et à entendre ; puis je subis mon martyre en m’inspirant de l’esprit des premiers chrétiens.

« Ne vous mettez pas sur le divan, poursuivit la jeune personne ; approchez une chaise, mon cher Godfrey ; j’aime que les gens auxquels je parle soient placés en face de moi. »

Il prit la chaise voisine, qui était un siège bas, trop petit pour lui, dont la taille était si élevée que jamais je ne vis des jambes paraître autant à leur désavantage.

« Eh bien, fit-elle, que leur avez-vous dit ?

— Exactement ce que vous m’aviez écrit, chère Rachel.

— Que maman n’allait pas bien du tout aujourd’hui, et que je n’aimais pas à la laisser seule pour aller à un concert ?

— Ce sont là les mots mêmes dont je me suis servi ; chacun a été désolé de votre absence, mais a compris parfaitement vos motifs. Ces dames m’ont chargé de leurs amitiés, et de leurs vœux pour que l’indisposition de lady Verinder ne soit que passagère.

Vous ne croyez pas que son état soit sérieux, n’est-ce-pas, Godfrey ?

— Bien loin de là ! je suis certain que dans peu de jours, elle ira bien.

— Je le pense aussi, je me suis un peu effrayée d’abord, mais je vois comme vous. Vous avez été bien aimable d’aller porter mes excuses à des personnes qui vous sont presque