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TROISIÈME NARRATION


ÉCRITE PAR FRANKLIN BLAKE


CHAPITRE I


Je parcourais l’Orient pendant le printemps de l’année 1849 ; mes projets de voyage subirent à ce moment une modification non prévue dans l’itinéraire que j’avais laissé entre les mains de mon banquier et de mon homme d’affaires, avant de quitter Londres.

Ce changement nécessita l’envoi d’un de mes domestiques chez le consul anglais d’une des villes comprises dans l’itinéraire que j’abandonnais ; cet homme était chargé de me rapporter les lettres et l’argent qui devaient s’y trouver pour moi ; il devait me rejoindre ensuite dans un lieu convenu et à une époque fixée. Un accident indépendant de sa volonté retarda sa mission, et je l’attendis avec mon monde, campé pendant une semaine sur les limites du désert ; au bout de ce temps, je le vis entrer dans ma tente, nanti de tout ce qui lui avait été remis à mon intention, lettres et valeurs.

« Je crains bien, monsieur, que vous ne receviez là de tristes nouvelles. » me dit-il en me montrant une des lettres, bordée de noir et dont l’adresse était de la main de M. Bruff.

En pareil cas, les moments paraissent des siècles ; j’ouvris donc sur-le-champ la lettre de deuil.

M. Bruff m’apprenait que mon père était mort et que j’héritais de ses grands biens. Cette fortune faisait peser sur moi d’inévitables responsabilités ; aussi l’avoué me priait de revenir promptement en Angleterre. Le lendemain matin, je quittais l’Orient pour rentrer dans mon pays.