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faut que cette personne ait emprunté dessus une somme importante, sans quoi le diamant n’eût jamais été en la possession de M. Luker. A-t-on découvert qui était cet individu ?

— Pas que je sache.

— N’y a-t-il pas eu une histoire sur M. Godfrey Ablewhite ? on m’assure que c’est un éminent philanthrope, et cela, à mon avis, parle bien haut contre lui ! »

Je tombai d’accord de grand cœur avec M. Murthwaite, mais je me crus obligé en même temps de lui dire, sans nommer miss Verinder, que M. Godfrey Ablewhite avait été déclaré innocent de ce fait, par un témoignage que je ne pouvais révoquer en doute.

« Très-bien, dit tranquillement M. Murthwaite ; laissons au temps le soin de tirer cette affaire au clair ; et revenons aux Indiens. Leur voyage à Londres ne fut que l’occasion d’une nouvelle déception ; je crois qu’on peut attribuer en grande partie leur second échec à la finesse et à la prévoyance de M. Luker, qui n’est pas pour rien le premier usurier d’Angleterre. En renvoyant promptement l’ouvrier suspect, il priva les Indiens d’un complice qui les eût aidés à s’introduire chez lui ; en transportant sans délai la Pierre de Lune chez son banquier, il prit les conjurés par surprise avant qu’ils eussent pu concerter un nouveau plan de vol. Les soupçons que conçurent les Indiens, les moyens qu’ils imaginèrent pour se mettre en possession du reçu de la banque, sont des faits trop récents pour qu’il soit besoin d’y insister. Disons seulement qu’ils savent le diamant hors de leur atteinte et déposé dans la caisse d’un banquier sous la désignation de « joyau de grand prix. » Maintenant, monsieur Bruff, quelle est leur troisième chance de ressaisir la Pierre de Lune, et quand se présentera-t-elle ? »

À peine m’avait-il adressé cette question, que je compris enfin l’objet de la visite que l’Indien m’avait faite à mon bureau.

« Je comprends ! m’écriai-je. Les Indiens sont convaincus comme nous que la Pierre de Lune est mise en gage, et ils veulent s’enquérir avec certitude du terme le plus prochain auquel elle peut être dégagée, parce que c’est au moment où le diamant sortira de la banque qu’il leur sera possible de s’en emparer !