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LA


PIERRE DE LUNE




CHAPITRE V


(SUITE DE LA NARRATION DE MISS CLACK)


Ma main laissa retomber le rideau. Mais ne supposez pas, de grâce, que le terrible embarras de ma situation m’occupât uniquement en ce moment.

Je portais un intérêt si fraternel à M. Godfrey que je ne me demandai même pas comment il se faisait qu’il ne fût pas au concert. Non, je pensais seulement aux mots saisissants qui venaient de lui échapper : Je le ferai aujourd’hui même. Il les avait prononcés sur un ton de résolution alarmante. Qu’était-ce donc que ce qu’il allait faire ? Serait-ce quelque chose de plus déplorable encore, de plus indigne de lui que ce qu’il avait fait déjà ? Allait-il apostasier ? Abandonnerait-il la Société maternelle des petits vêtements ? Aurions-nous vu pour la dernière fois son angélique sourire dans le comité ? Fallait-il renoncer à admirer désormais son incomparable éloquence à Exeter-Hall ? La seule idée de conjectures aussi graves s’appliquant à un homme comme lui me causait un tel effroi, que j’allais, je crois, m’élancer de ma cachette et le supplier de s’expliquer, au nom de tous les comités des Dames de Londres, lorsque j’entendis tout à coup une autre voix dans la chambre ; cette voix pénétrait à travers les épais rideaux avec un son dur, hardi, dépourvu de tout charme féminin ; vous l’aurez déjà reconnue, c’était celle de Rachel Verinder.