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prenait que la Pierre de Lune passait à la fille de lady Verinder, et que M. Blake père, ou un mandataire désigné par lui, devait la remettre entre ses mains. Il ne leur était pas difficile, vous en conviendrez, d’obtenir des renseignements sur des personnes aussi connues que lady Verinder et M. Blake. La seule question à résoudre pour les Indiens aura été celle-ci : fallait-il essayer de s’emparer de la Pierre de Lune lorsqu’on la retirerait de la banque, ou bien devaient-ils attendre qu’elle fût arrivée chez lady Verinder dans le Yorkshire ? Ce second parti était évidemment le meilleur, et vous trouverez là l’explication de la présence des trois Indiens à Frizinghall, déguisés en jongleurs et guettant l’opportunité. Il va de soi que, pendant ce temps, leurs complices de Londres ne leur laissaient rien ignorer des événements. Deux hommes y auront été employés : l’un pour suivre quiconque irait de chez M. Blake à la banque ; l’autre pour payer de la bière aux domestiques de la maison et savoir par eux ce qui s’y passait. Ces moyens vulgaires leur auront appris promptement que M. Franklin Blake avait été à la banque, et qu’il était la personne qui allait partir pour se rendre chez lady Verinder. Ce qui suivit cette découverte, vous vous le rappelez sans doute aussi bien que moi. »

Je me souvins que Franklin Blake avait en effet remarqué un de ces espions dans la rue, et qu’il avança en conséquence de quelques heures son arrivée dans le Yorkshire ; puis que, grâce au bon conseil du vieux Betteredge, il déposa le diamant à la banque de Frizinghall, avant que les Indiens le crussent même arrivé chez sa tante. Tout cela paraît fort clair jusqu’alors ; mais les Indiens, ignorant qu’on eût pris cette mesure de sûreté, devaient croire la Pierre de Lune dans la maison de lady Verinder pendant tout l’intervalle qui s’était écoulé avant l’anniversaire de la naissance de Rachel, et, en ce cas, comment ne firent-ils aucune tentative pour s’en emparer ? En soumettant cette difficulté à M. Murthwaite, je crus devoir ajouter ce qu’on m’avait conté du jeune garçon, de l’encre mystérieuse, et autres jongleries des Indiens.

« Quelle que soit, continuai-je, l’explication du fait dont je cherche à me rendre compte, je ne puis admettre qu’elle repose sur la théorie de la seconde vue.