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entrevue, plus je soupçonnai qu’en réalité l’exhibition de la cassette et la demande d’emprunt, n’avaient été que des formalités oiseuses, destinées à amener la question qu’on m’avait posée en partant.

Après m’être arrêté à cette conclusion, je m’efforçais de pousser un peu plus avant mes recherches et de découvrir les motifs de l’Indien, lorsqu’on m’apporta une lettre dont le signataire n’était rien moins que M. Septimus Luker lui-même. Il me faisait les plus plates excuses et promettait de me donner tout apaisement au sujet de cette affaire, si je voulais lui faire l’honneur de lui accorder une entrevue.

Poussé par la curiosité, je transigeai encore avec ma dignité professionnelle et donnai rendez-vous à ce monsieur pour le lendemain à mon bureau.

M. Luker était de tout point si inférieur à mon Indien, il se montra tellement lourd, vulgaire, laid, rampant, qu’il ne mérite pas de nous occuper longtemps, et je résumerai ainsi le résultat de mon entrevue avec lui :

La veille du jour où je vis l’Indien, celui-ci avait favorisé M. Luker de sa visite. En dépit de son déguisement européen, M. Luker n’hésita pas à reconnaître le chef des trois Indiens qui, quelque temps auparavant, l’avaient inquiété par leurs allées et venues autour de sa maison, et l’avaient mis dans la nécessité de faire sa déclaration au magistrat. De cette première découverte, il conclut, assez naturellement à vrai dire, qu’il se trouvait en présence d’un des trois coquins qui l’avaient bâillonné, aveuglé, fouillé et dépouillé du reçu de son banquier. Aussi fut-il en proie à un accès de terreur folle, et, paralysé par l’effroi, il crut toucher à sa dernière heure.

De son côté, l’Indien s’était maintenu dans le rôle d’un étranger. Il exhiba sa cassette et fit identiquement la même demande qu’il devait reproduire le lendemain chez moi ; espérant s’en débarrasser promptement, M. Luker répondit n’avoir pas d’argent de disponible ; là-dessus, l’Indien avait demandé quelle autre personne sûre pourrait lui faire cette avance sur gage, et M. Luker lui répondit qu’un avoué bien posé offrait, d’ordinaire, les garanties les plus sérieuses en pareil cas. Prié de désigner une personne qui fût dans cette situation, M. Luker avait alors donné mon adresse unique-