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rinder, le testament fut placé entre les mains de mon procureur pour être prouvé, selon le terme légal usité en pareil cas.

Environ trois semaines après, je reçus un premier avertissement qu’il se passait sous main quelque chose d’insolite. J’entrais par hasard chez mon ami le procureur, et je remarquai qu’il me reçut avec un intérêt plus vif que coutume.

« J’ai du nouveau à vous apprendre, me dit-il. Que pensez-vous que j’aie su ce matin aux Doctor’s-Commons ? On a demandé le testament de lady Verinder, et il a déjà été examiné. »

C’était en effet une singulière nouvelle ! Il n’y avait rien au monde qui pût être contesté dans le testament, et je ne m’imaginais pas qui pouvait avoir un intérêt à l’examiner. (Je ferai remarquer, pour l’édification de ceux qui l’ignoreraient, que la loi permet à quiconque le demande de prendre communication des testaments aux Doctor’s-Commons, moyennant une rétribution d’un shilling.)

« Avez-vous su qui a fait cette demande ? dis-je.

— Oui ; le clerc n’a pas hésité à m’en instruire. C’est M. Smalley, de la maison Skipp et Smalley, qui a fait la demande. Le testament n’a pas encore été copié sur les grands registres, il ne restait donc d’autre alternative que de se départir de l’usage habituel et de lui laisser voir le document original. Il l’a parcouru attentivement, puis a pris des notes sur son agenda. Avez-vous quelque idée de ses intentions ? »

Je fis un signe négatif.

« Je viendrai à bout de le découvrir, répondis-je, avant vingt-quatre heures d’ici. »

Sur ce, je retournai à mes bureaux. Si toute autre maison d’avoué avait été mêlée à cette affaire, j’eusse rencontré des difficultés dans mes recherches. Mais je savais par quel bout tenir Skipp et Smalley, ce qui rendait ma ligne de conduite plus aisée à suivre. Mon premier clerc, digne et habile homme, était frère de M. Smalley. De là, entre ces messieurs et moi, des rapports indirects dont ils bénéficiaient. Skipp et Smalley ramassaient depuis plusieurs années les miettes qui tombaient de ma table ; en d’autres termes, je leur renvoyais toutes les causes dont, pour des raisons diverses, il ne me convenait pas de me charger.