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— N’allons pas si vite, riposta M. Ablewhite, j’ai un dernier mot à dire, et que j’aurais dit depuis longtemps, si cette, — il regarda de mon côté, cherchant de quel abominable nom il pouvait me gratifier, — si cette vieille béguine ne m’avait interrompu. Je désire vous dire, monsieur, que si mon fils n’est pas digne d’être le mari de miss Verinder, je ne puis trouver son père digne de rester le tuteur de miss Verinder. Veuillez donc entendre que je refuse d’accepter le mandat que m’a légué le testament de lady Verinder. En termes de droit, je refuse ma coopération à la tutelle. Cette maison a été naturellement louée en mon nom, j’en prends toute la charge, elle est mienne, et comme telle, je la garde ou la rends à mon choix. Je ne veux nullement presser miss Verinder ; je la prie au contraire de ne la quitter, elle, son invitée et leur bagage, qu’à son entière convenance. »

Il fit un profond salut et sortit du salon.

Telle fut la vengeance que M. Ablewhite tira du refus de Rachel d’épouser son fils !

Dès que la porte fut refermée, la tante Ablewhite fit une merveille qui nous confondit tous ! elle trouva assez d’énergie pour traverser la pièce !

« Ma chère amie, dit-elle en prenant Rachel par la main, je serais honteuse de mon mari, si je ne savais que ce n’est pas lui qui vient de vous parler, mais son mauvais caractère. Quant à vous, continua ma tante en se tournant vers mon coin avec un redoublement d’énergie, vous êtes la perverse créature qui l’a mis en colère. Je compte bien ne jamais revoir ni vous ni vos brochures. » Elle revint à Rachel et l’embrassa : « Je vous demande pardon, mon enfant, au nom de mon mari. Que puis-je faire pour vous ? »

Bizarre, capricieuse, déraisonnable dans toutes les actions de sa vie, Rachel fondit en larmes à ces paroles banales et rendit ses caresses à sa tante en silence.

« Si je puis me permettre de répondre pour miss Verinder, dit M. Bruff, oserais-je vous prier, mistress Ablewhite, d’envoyer ici Pénélope avec le chapeau et le châle de sa maîtresse ? Laissez-nous dix minutes ensemble, ajouta-t-il d’un ton plus bas, et vous pouvez compter sur moi pour arranger les choses à votre satisfaction et à celle de Rachel. »