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— Vous répondez franchement au moins ! et tout cela est fort satisfaisant, ma chère, jusqu’à présent ; donc, par rapport à ce qui a eu lieu il y a quelques semaines, Godfrey n’a commis aucune erreur ; alors l’erreur est manifeste dans ce qu’il m’a dit hier. Je commence à le voir : vous et lui avez eu une querelle d’amoureux, et mon cher fils a eu la sottise de la prendre au sérieux. Ah ! j’aurais été moins maladroit à son âge ! »

À ces paroles, la nature déchue, la mère Ève commença à s’irriter chez Rachel.

« Je désire, monsieur Ablewhite, que nous nous comprenions parfaitement, dit-elle. Il n’y a pas eu la moindre querelle, hier, entre votre fils et moi. S’il vous a appris que je lui avais annoncé l’intention de rompre mon engagement et qu’il y avait consenti de son côté, il vous a dit la vérité. »

Le thermomètre indicateur, ou le crâne de M. Ablewhite, commença à marquer une élévation de température. Sa figure resta plus aimable que jamais, mais le rouge gagnait son crâne et fonçait déjà !

« Allons, allons, ma chère enfant, dit-il de sa voix la plus douce, ne soyez pas si dure pour mon pauvre Godfrey ! Il aura évidemment commis quelque bévue ! Dès son enfance, il manquait d’adresse, mais il a les meilleures intentions du monde, Rachel ; il désire toujours bien faire.

— Monsieur Ablewhite, il faut que je me sois fort mal exprimée, ou bien vous affectez de ne pas me comprendre ; une fois pour toutes, il est parfaitement convenu entre votre fils et moi que nous resterons, tant que nous vivrons, cousins, mais rien de plus. Est-ce assez clair ? »

Le ton dont elle prononça ces mots rendait impossible, même pour M. Ablewhite, de s’y méprendre plus longtemps. Son thermomètre monta encore de quelques degrés, et sa voix cessa d’être celle qu’on attribue en général à un homme doux et bien élevé.

« Je dois donc entendre, dit-il, que votre promesse de mariage est rompue ?

— Veuillez le comprendre ainsi, monsieur Ablewhite.

— Je dois aussi admettre que cette rupture a été proposée par vous ?