Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 2.djvu/272

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vince éloignée, qui allait en pèlerinage ; il est inutile de dire que mon costume répondait au rôle que je me donnais. Ajoutez-y que je parle la langue du pays aussi bien que la mienne, que je suis assez maigre et assez basané pour tromper sur mon origine européenne, et vous comprendrez que je me joignis aisément à mes compagnons de route, non comme un des leurs, mais comme venant d’une autre partie de l’Inde.

Le second jour de route, le nombre des Hindous avait augmenté par centaines, et le troisième des milliers de voyageurs s’acheminaient tous vers la cité de Somnauth.

Un léger service que je fus à même de rendre à un des pèlerins me mit en rapport avec des brahmines de haute caste. J’appris d’eux que cette multitude se rendait à une grande cérémonie religieuse qui devait avoir lieu sur une montagne à peu de distance de Somnauth. La solennité était en l’honneur du Dieu de la Lune, et serait célébrée de nuit.

La foule rendait notre marche plus difficile à mesure que nous approchions du lieu de la cérémonie, et la lune était levée depuis longtemps lorsque nous arrivâmes à la montagne. Mes amis hindous possédaient quelques privilèges spéciaux qui leur permettaient d’approcher de la châsse ; ils m’offrirent gracieusement de les accompagner. Arrivés au lieu où elle était placée, un rideau, suspendu à deux arbres admirables, nous dérobait sa vue ; en avant de ces arbres s’étendait une sorte de plate-forme naturelle sur laquelle nous attendîmes, mes amis hindous et moi.

Au bas de la montagne se déroulait le plus magnifique panorama dont la nature et l’homme aient jamais fait les frais. Les plans inclinés des collines se perdaient dans une prairie verdoyante ou trois rivières venaient se rejoindre. D’un côté, les gracieux méandres de ces cours d’eau s’étendaient aussi loin que la vue pouvait atteindre, tantôt visibles, tantôt cachés aux regards par un rideau d’arbres. De l’autre côté, l’Océan dormait immobile dans le calme de la nuit.

Peuplez ce paysage de milliers de créatures humaines, toutes vêtues de blanc, qui gravissent les flancs de la montagne, débordent dans la plaine, et suivent les rives sinueuses des cours d’eau. Enfin éclairez cette halte de pèlerins par les flammes rougeâtres des torches et des lanternes, inon-