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sauf celui que lui offrait M. Luker. S’il n’avait pas été dans une situation si embarrassée, il eût porté le diamant à Amsterdam, et l’eût transformé en un article de vente facile, en le faisant tailler en plusieurs pierres séparées. Au point où en étaient les choses, il ne lui restait qu’à accepter les conditions de M. Luker. Après tout, il aurait une année à sa disposition pour trouver les trois cents livres, — et une année vous donne bien du temps.

M. Luker rédigea sur-le-champ le petit acte nécessaire, et lorsqu’il fut signé remit deux chèques à M. Ablewhite. L’un, portant la date du 23 juin, était de trois cents livres, l’autre devait être touché une semaine plus tard pour le solde restant de dix-sept cents livres.

Vous savez déjà comment le diamant fut confié aux banquiers de M. Luker, et le traitement que subirent ce dernier et M. Godfrey de la part des Indiens.

L’événement qui survint ensuite dans l’existence de votre cousin concerne miss Verinder. Il lui fit une seconde proposition de mariage, puis après avoir été agréé, il consentit sans peine à la rupture de l’union projetée. M. Bruff a pénétré un des motifs de son facile acquiescement : miss Verinder n’était qu’usufruitière de la fortune de sa mère, et il devenait impossible d’emprunter vingt mille livres sur des revenus seulement.

Mais, me direz-vous, il eût pu trouver sur cette fortune, au moins le moyen de dégager le diamant de chez M. Luker. Oui, c’était faisable, et encore en admettant que sa femme et les tuteurs de celle-ci consentissent à le laisser disposer, dans un but inconnu, de plus de la moitié de ses revenus dès la première année de son mariage. Cette difficulté écartée, restait celle de la dame de la villa, qui avait appris ses projets matrimoniaux.

Une superbe femme, monsieur, et de celles qui n’entendent pas la plaisanterie, — une femme au nez aquilin et au teint clair. Pleine du plus profond mépris pour M. Godfrey Ablewhite, elle garderait ce sentiment pour elle si son sort était convenablement assuré : dans le cas contraire, gare à sa langue ! Il ne fallait pas plus compter sur l’usufruit de miss Verinder pour y trouver de quoi acheter le silence de la dame, que pour emprunter vingt mille livres. Votre cou-