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la Saint-Jean. Cette pension était acquittée très-régulièrement par le curateur principal, M. Ablewhite ; mais tout le capital des vingt mille livres dont les revenus étaient censés fournir la pension de 600 livres, avait été vendu en différentes fois, et à la fin de l’année 1847 il n’en restait pas un sou. L’autorisation de vente donnée aux banquiers, et les divers ordres écrits, portant les sommes à réaliser chaque fois, étaient signés par les deux tuteurs. La signature du second tuteur, officier retiré du service et qui vivait à la campagne, avait été contrefaite par le premier curateur, autrement dit M. Godfrey Ablewhite.

Ces faits expliquent l’honorabilité avec laquelle M. Godfrey payait les dépenses de la dame et de la villa ; ils nous expliquent encore autre chose, comme vous le verrez tout à l’heure.

Nous pouvons arriver maintenant à la date du jour de naissance de miss Verinder : 24 juin 1848. Je tiens de M. Ablewhite père, lui-même, que la veille de ce jour, M. Godfrey arriva chez lui, et lui demanda un prêt de trois cents livres. Remarquez bien la somme, et veuillez vous souvenir que c’est le 24 du présent mois que tombait l’échéance de la pension semestrielle du jeune pupille. N’oubliez pas non plus que la totalité de la fortune de ce jeune gentleman avait été dépensée par son tuteur et qu’il n’en restait plus rien depuis la fin de l’année 1847.

« M. Ablewhite refusa d’avancer un centime à son fils. Vous savez que le lendemain M. Godfrey se rendit en votre compagnie chez lady Verinder. Quelques heures après, comme vous me l’avez dit vous-même, il faisait une proposition de mariage à sa cousine. Si celle-ci acceptait, il était sauvé de tous ses embarras d’argent tant présents que futurs. Mais qu’arriva-t-il au lieu de cela ? que miss Verinder le refusa.

Le soir du jour de naissance, voici donc quelle était la situation pécuniaire de M. Godfrey Ablewhite. Il lui fallait à tout prix trois cents livres pour le 24 du présent mois, et il devait rembourser vingt mille livres en février 1850. Faute de trouver ces deux sommes, il était un homme déshonoré.

Dans cet état de choses, que se passe-t-il ?

Vous poussez à bout M. Candy, le docteur, par vos plaisanteries sur la médecine ; ce à quoi il riposte par un tour de son métier : il fait du laudanum l’instrument de sa ven-