Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 2.djvu/248

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Et assassinat ! ajouta Groseille, indiquant du doigt, avec une satisfaction plus vive encore, l’homme étendu sur le lit.

La joie témoignée par cet enfant en présence d’un pareil spectacle offrait quelque chose de si choquant, que je le pris par les épaules et le mis à la porte.

Comme je franchissais le seuil de la porte, j’entendis M. Cuff demander où j’étais. Il vint à ma rencontre et me força à le suivre jusqu’au pied du lit.

« Monsieur Blake, dit-il, regardez la figure de cet homme ; son visage est déguisé, et en voici la preuve. »

Il désignait du doigt une mince ligne d’un blanc livide, qu’on apercevait vers le front du mort, et qui séparait sa peau à l’aspect bronzé de ses cheveux légèrement en désordre.

« Voyons un peu ce qu’il y a là-dessous, » ajouta le sergent.

Et il saisit brusquement les cheveux d’une main bien assurée.

Mes nerfs reçurent une telle secousse que je m’éloignai de nouveau du lit.

Le premier objet qui frappa ma vue, à l’autre bout de la chambre, fut l’incorrigible Groseille, perché sur une chaise ; il suivait des yeux, par-dessus la tête des assistants, chacun des gestes du sergent.

« Il lui ôte sa perruque ! » dit Groseille plein de compassion pour ma position qui me privait de cet intéressant spectacle.

Il y eut un silence, puis un cri d’étonnement parmi tous ceux qui entouraient le lit.

« Il vient de lui arracher sa barbe ! » cria Groseille.

Nouveau silence : — le sergent demandait quelque chose. L’hôte alla à la buanderie et revint avec une jatte pleine d’eau et une serviette.

Groseille, en proie à une vive agitation, dansait sur sa chaise.

« Montez donc ici près de moi, monsieur ! voici qu’on débarbouille sa figure ! »

Tout à coup le sergent fendit la foule des assistants, et s’avança droit vers moi, l’horreur peinte sur le visage.

« Revenez près du lit, monsieur ! » commença-t-il à me dire.