Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 2.djvu/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

crois qu’elle est réellement la seule créature parfaitement heureuse que j’aie rencontrée.

— Il y a bien des degrés dans le bonheur, ma chérie ; nous aurons un de ces jours une petite conversation sur ce point ; en attendant, je vais tâcher de vous tirer d’embarras ; il faudra que votre tante écrive aux personnes de la maison.

— Elle signera une lettre, si je l’écris pour elle, ce qui reviendra au même.

— C’est vrai ; je prendrai la lettre et j’irai demain à Brighton.

— Vous êtes vraiment trop bonne ! Nous vous rejoindrons dès que vous aurez terminé nos arrangements, et vous nous resterez, je l’espère, comme mon invitée ; Brighton est si animé que vous ne pourrez manquer de vous y plaire. »

Je reçus mon invitation dans les termes que je rapporte ici ; mon intervention charitable était dès lors en beau chemin.

Nous étions au milieu de la semaine ; le dimanche suivant, la maison était prête pour les recevoir ; dans ce court intervalle, je m’étais renseignée, non-seulement sur les antécédents, mais encore sur les idées religieuses de tous les domestiques qu’on m’avait adressés, et j’avais réussi à ne faire que des choix approuvés par ma conscience. Je découvris aussi deux de mes respectables amis, qui résidaient à Brighton ; je me rendis chez eux, et je pus m’ouvrir à eux sur le dessein qui m’amenait. L’un d’eux, ministre de l’Église, m’aida affectueusement à fixer des places pour tout notre monde dans la chapelle où il prêchait lui-même. L’autre était comme moi une dame non mariée ; elle mit à ma disposition les ressources de sa bibliothèque composée de précieuses publications ; je lui empruntai une demi-douzaine d’ouvrages, tous soigneusement appropriés aux besoins spirituels de Rachel.

Lorsque ces livres eurent été placés dans toutes les pièces qu’elle devait occuper, je regardai mes arrangements comme terminés. Saine doctrine chez les domestiques qui la serviraient, saine doctrine chez le ministre qu’elle entendrait, saine doctrine dans les livres qu’elle lirait, voilà ce que la pauvre orpheline devait rencontrer dans la maison que mon zèle pieux avait préparée pour la recevoir ! Un calme céleste