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le dos, dans l’attitude habituelle à tout néophyte interrogé au catéchisme.

« Quel est votre nom ? dit le sergent, qui commença par la première question du susdit catéchisme.

— Octavius Guy, répondit l’enfant ; à l’étude, on m’appelle Groseille, à cause de mes yeux.

— Octavius Guy, autrement dit Groseille, poursuivit le sergent avec une gravité imperturbable, vous avez disparu hier de la banque. Qu’avez-vous fait alors ?

— Avec votre permission, monsieur, je me suis mis à suivre un homme.

— Quel était-il ?

— Un homme très-grand, monsieur, avec une forte barbe noire, et vêtu comme un marin.

— Je me rappelle cet individu, dis-je en interrompant. M. Bruff et moi, nous avons cru que c’était un espion employé au compte des Indiens. »

Le sergent parut se soucier médiocrement de ce que M. Bruff et moi avions pu croire ; il continua à interroger Groseille.

« Eh bien, dit-il, pourquoi avez-vous suivi le marin ?

— Avec votre permission, monsieur, M. Bruff désirait savoir si M. Luker passerait quelque chose à une personne en sortant de la banque ; or, je vis distinctement M. Luker passer un objet à l’homme à la grosse barbe.

— Pourquoi n’en avoir pas prévenu M. Bruff ?

— Je n’avais le temps de rien dire à personne ; car le marin sortit en toute hâte.

— Et vous avez couru après lui ? hein ?

— Oui, monsieur. »

Le sergent donna une petite tape d’amitié sur la tête de l’enfant.

« Groseille, lui dit-il, vous avez quelque chose dans votre jeune cerveau, et ce n’est pas du coton ; je suis vraiment très-content de vous jusqu’ici. »

Le garçon rougit de plaisir. M. Cuff poursuivit :

« Enfin, que fit le marin une fois dans la rue ?

— Il prit un cab, monsieur.

— Et vous, que fîtes-vous ?…

— Je m’accrochai à la voiture par derrière, et je la suivis. »