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parez le nom de la personne coupable avec celui que je viens d’écrire dans cette lettre sous enveloppe. »

Je mis la lettre dans ma poche, — ensuite je demandai à M. Cuff son opinion sur les mesures prises par nous à la banque.

« Tout cela est très-bien combiné, monsieur, et vous ne pouviez mieux faire ; mais il y avait une autre personne à surveiller, outre M. Luker.

— Celle dont le nom se trouve dans la lettre que vous venez de me remettre ?

— Oui, monsieur Blake, justement celle-là ; mais ce qui est fait est fait ; j’aurai quelque chose à vous proposer ainsi qu’à M. Bruff, quand le moment sera venu ; attendons d’abord, et voyons si le gamin n’aura rien d’intéressant à nous dire. »

Il était près de dix heures, et Groseille ne donnait aucun signe de vie ; le sergent parla d’autre chose ; il s’enquit de son vieil ami Betteredge, et de son vieil adversaire le jardinier : une minute de plus, et il serait évidemment passé à son sujet favori, la culture des roses, si mon domestique ne l’eût interrompu, en me prévenant que le jeune garçon venait d’arriver. Lorsqu’on l’introduisit, Groseille s’arrêta au seuil de la chambre, et regarda avec méfiance l’étranger qui se trouvait chez moi ; je lui dis d’approcher.

« Vous pouvez parler devant ce gentleman, ajoutai-je ; il est ici pour m’aider de ses conseils, et je l’ai mis au courant de toute l’affaire. Sergent Cuff, fis-je, voici le garçon employé par M. Bruff. »

Dans notre société moderne, une célébrité, quelle qu’elle soit, est une puissance ; la réputation du grand Cuff était parvenue jusqu’aux oreilles même du petit Groseille. J’eus à peine prononcé ce nom illustre, que les gros yeux de l’enfant roulèrent dans leurs orbites de façon à me faire craindre qu’ils ne tombassent sur le tapis.

« Venez ici, mon garçon, dit le sergent, que j’entende un peu ce que vous avez à nous conter. »

Groseille parut fasciné en voyant s’abaisser jusqu’à lui le grand homme, le héros de tant d’histoires fantastiques dont avaient retenti toutes les études des gens d’affaires de Londres. Il se plaça en face du sergent, les mains derrière