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« Tout cela est on ne peut plus flatteur pour nous, dit-il en prenant mon bras pour sortir. C’est là notre consolation !

— Qu’y a-t-il de si flatteur pour nous ? demandai-je.

— Monsieur Blake ! vous et moi, nous sommes deux des plus tristes agents amateurs qui aient jamais essayé de ce métier ! Cet homme vêtu de gris est depuis trente ans au service de mon apothicaire ; celui-ci l’a envoyé à la banque payer son compte, et il ne connaît pas plus l’existence de la Pierre de Lune qu’un enfant qui vient de naître. »

Je demandai ce qui nous restait à faire.

« Revenons à mon étude, répondit M. Bruff. Groseille et mon second affidé ont évidemment suivi quelqu’un d’autre ; espérons qu’eux au moins n’auront pas mis leurs yeux dans leur poche ! »

Lorsque nous atteignîmes Gray’s Inn Square, le second agent y était arrivé depuis un quart d’heure et nous attendait.

« Eh bien, dit M. Bruff, quelles nouvelles nous apportez-vous ?

— Je regrette de dire, monsieur, que j’ai commis une erreur ; j’aurais juré d’avoir vu M. Luker passer un objet à un vieux monsieur vêtu d’un paletot clair. Il se trouve que ce gentleman est un des fabricants de fer les plus considérés dans East Cheap.

— Où est Groseille ? » fit M. Bruff avec une résignation forcée.

L’homme eut l’air surpris :

« Je n’en sais vraiment rien, monsieur ; je ne l’ai pas revu depuis que j’ai quitté la banque. »

M. Bruff congédia l’agent.

« De deux choses l’une, me dit-il : ou Groseille a pris la clé des champs, ou bien il donne la chasse pour son compte. Que penseriez-vous de dîner ici, en courant la chance que le gamin rentre dans une heure ou deux ? J’ai de bon vin dans la cave, et on nous enverra le reste du café voisin. »

Nous dînâmes donc à l’étude. Avant que la nappe fût enlevée, on vint annoncer à l’avoué qu’ « une personne » désirait lui parler ; la personne était-elle Groseille ? Non, nous vîmes