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« Désirez-vous entrer aussi ? dit M. Bruff avec bonté ; allons, entrez, et ne quittez pas mes talons jusqu’à nouvel ordre… Il est vif comme un éclair, continua l’avoué à demi-voix, deux mots suffisent à Groseille là où il en faudrait vingt avec un autre garçon. »

Nous entrâmes à la banque. Le bureau extérieur, avec son long comptoir et les caissiers à leur poste, était encombré de monde ; chacun attendait son tour pour être payé, ou pour verser son argent, car la banque fermait à cinq heures.

Deux hommes, se détachant de la foule, s’approchèrent de M. Bruff dès qu’ils l’aperçurent.

« Eh bien, dit ce dernier, l’avez-vous vu ?

— Il a passé près de nous il y a une demi-heure, monsieur ; il est entré dans les bureaux de l’intérieur.

— Il n’est pas encore sorti ?

— Non, monsieur. »

M. Bruff se retourna vers moi.

« Nous n’avons qu’à attendre, » dit-il.

Je regardai tout autour de moi pour voir si je n’apercevrais pas les Indiens ; je n’en découvris pas la moindre trace ; la seule personne présente qui pût attirer l’attention était un homme grand, brun de teint, vêtu d’un gros paletot et d’un chapeau rond de marin. L’un d’eux aurait-il pris ce déguisement ? Impossible ! L’homme était de stature plus haute qu’aucun des Indiens, et son visage, autant qu’une épaisse barbe noire permettait d’en juger, était deux fois plus large que celui de ces Orientaux.

« Ils ont leur espion ici, dit M. Bruff qui considéra à son tour le marin, et peut-être est-ce cet homme-là. »

Avant qu’il eût pu poursuivre, il sentit les pans de sa redingote respectueusement tirés par son petit acolyte ; M. Bruff regarda du côté vers lequel se tournait Groseille.

« Silence, dit-il, voici M. Luker ! »

Le prêteur sur gages sortait de l’intérieur de la banque escorté de ses deux policemen en bourgeois.

« Ne le perdez pas de vue, glissa M Bruff à voix basse ; s’il passe le diamant à quelqu’un, il devra le faire ici. »

Sans paraître remarquer aucun de nous, M. Luker gagna lentement la porte, passant tantôt dans le plus épais, tantôt dans la partie la moins encombrée de la foule. Je vis par-