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ses papiers, et où Betteredge fermait le coffret, pour poser ses lèvres à la dérobée sur le bord du verre.

« Quand vous le lui porterez, m’a dit cette aimable fille, offrez-le-lui de ce côté. »

J’ai pris dans ma poche le morceau de cristal qui devait jouer le rôle de la Pierre de Lune et je le lui ai remis.

« Il faut que vous ayez aussi votre part dans ceci, ai-je dit ; veuillez le mettre là où était la Pierre de Lune l’année dernière. »

Elle m’a conduit vers le cabinet indien et a déposé le faux diamant dans le tiroir occupé précédemment par le véritable. M. Bruff assistait à l’opération, tout en protestant comme de coutume ; mais Betteredge, à la vue de la tournure dramatique que prenait l’expérience, n’a pu rester impassible. Sa main tremblait en tenant la bougie, et il disait tout bas avec inquiétude :

« Êtes-vous sûre, miss, que ce soit bien là le tiroir ? »

Je me dirige vers la porte, le laudanum et l’eau dans la main ; je m’arrête pour dire un dernier mot à miss Verinder :

« Ne tardez pas à éteindre les lumières.

— Je vais les souffler tout de suite, répond-elle ; j’attendrai dans ma chambre avec une seule bougie allumée. »

Elle ferme la porte du salon derrière nous, et, suivi de M. Bruff et de Betteredge, je retourne près de M. Blake.

Nous le trouvons en train de s’agiter dans son lit et de se demander avec impatience si on lui donnerait le laudanum cette nuit. En présence des deux témoins, je lui administre l’opium, j’arrange ses oreillers et je le prie de se recoucher tranquillement.

Son lit, entouré de rideaux de perse légère, était placé la tête contre le mur, conservant un assez grand espace vide autour de lui. D’un côté du lit, je tire entièrement les rideaux, et je prie M. Bruff et Betteredge de se tenir dans la partie de la chambre ainsi masquée à sa vue. De l’autre côté, je laisse les rideaux entr’ouverts, et je place ma chaise assez près de son lit pour qu’il puisse à volonté me voir ou ne pas me voir, et me parler selon que les circonstances l’exigeront. Sachant qu’il gardait toujours une veilleuse dans sa chambre, je pose l’une des bougies sur une petite table à la tête de son lit, mais de façon qu’elle ne blesse pas