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Betteredge vient de me prévenir que M. Blake me demande ; je dépose donc la plume.

Sept heures. — Nous avons fini de parcourir toutes les chambres et les escaliers qui viennent d’être regarnis, puis nous avons fait une charmante promenade dans ce petit bois où M. Blake aimait à diriger ses pas lors de son dernier séjour. J’espère, par tous ces moyens réunis, faire revivre autant que possible les anciennes impressions dans son esprit.

Nous allons dîner précisément à la même heure que le soir du jour de naissance. Mon intention ici est purement médicale ; il faut que le laudanum trouve autant que possible le travail de la digestion parvenu au même point que celui où le rencontrait la dose d’opium prise l’année dernière.

Quelque temps après le dîner, je compte ramener la conversation, le moins maladroitement que je le pourrai, sur le sujet du diamant et de la conjuration indienne. Lorsque l’imagination de M. Blake sera entrée dans cet ordre d’idées, je n’aurai rien négligé de ce qu’il est en mon pouvoir de faire avant de lui administrer le laudanum.

Huit heures et demie. — Voici le premier moment où j’ai le loisir de m’occuper d’un des points les plus importants, celui de chercher dans la pharmacie de la maison la bouteille de laudanum dont M. Candy a dû se servir.

J’ai pu mettre la main sur Betteredge et lui faire ma demande. Sans un mot d’objection, sans même recourir à son agenda, il m’a conduit dans la pièce où est enfermée la pharmacie ; il persistait pendant tout ce temps à me regarder comme quelqu’un qui a droit à une grande indulgence.

Je n’ai pas eu de peine à trouver la fiole qui était hermétiquement fermée au moyen d’un bouchon de verre entouré de cuir ; ainsi que je m’y attendais, elle contenait de la teinture simple de laudanum ; comme la fiole était encore presque pleine, j’ai résolu de m’en servir de préférence à celles dont je m’étais muni en cas de besoin. La question de la quantité à administrer est embarrassante, j’y ai bien réfléchi et je me décide à augmenter la dose.

Mes notes portent que M. Candy n’en avait donné que vingt-cinq gouttes. Cette dose est faible pour avoir produit de semblables résultats, même avec un tempérament aussi impressionnable que celui de M. Blake.