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maison toute remplie d’hommes, est un oubli des convenances que Mrs Merridew ne saurait vraiment autoriser. Si cette affaire doit se poursuivre, elle juge qu’il est de son devoir, quoi qu’il en coûte à ses habitudes et à ses goûts, d’accompagner miss Verinder en Yorkshire. Dans ces circonstances, elle prend sur elle de m’engager à réfléchir de nouveau sur cette difficulté, puisque miss Verinder refuse de se soumettre à aucune opinion autre que la mienne. Sa présence ne saurait vraiment être très-nécessaire, et un mot de moi qui lui serait adressé me dégagerait, ainsi que Mrs Merridew, d’une fâcheuse responsabilité.

Traduites en bon anglais, toutes ces phrases polies signifient pour moi que Mrs Merridew vit dans une frayeur mortelle de l’opinion du monde. Elle s’adresse malheureusement à la dernière personne qui ait quelque raison de se préoccuper du respect humain : je n’irai donc pas à l’encontre des désirs de miss Verinder, et je ne retarderai pas l’heure de la réconciliation entre deux jeunes gens qui s’aiment et n’ont vécu séparés que trop longtemps. Traduction en langage poliment banal : M. Jennings présente ses compliments à Mrs Merridew et regrette de ne pouvoir intervenir davantage dans l’affaire.

Les nouvelles de la santé de M. Blake restent les mêmes. Nous sommes convenus de ne pas déranger Betteredge aujourd’hui, et de ne faire que demain notre première visite d’inspection au logis.

20 juin. — M. Blake commence à souffrir de son incessante insomnie ; le plus tôt les chambres seront remeublées, le mieux ce sera.

Pendant que nous nous rendions ce matin auprès de Betteredge, M. Blake m’a consulté avec une impatience nerveuse à propos d’une lettre du sergent Cuff qu’on lui a renvoyée de Londres et à laquelle il ne sait que répondre. Le sergent lui écrit d’Irlande. Il accuse réception de la carte et du message laissés par M. Blake à sa résidence près de Dorking, et qui lui ont été transmis par sa femme de charge ; il annonce son retour comme devant avoir lieu dans une semaine au plus tard. Il désire fort savoir avant ce moment quelles raisons M. Blake avait de vouloir lui parler relativement à la Pierre de Lune. Si M. Blake peut lui démontrer qu’il a commis quelque