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par qui le joyau aurait été emporté hors de la maison de lady Verinder. Êtes-vous sûr que ce soit ce même joyau qui ait été mis en gage chez M. Luker ? Lui, au contraire, affirme n’avoir jamais entendu parler de la Pierre de Lune ; le reçu de son banquier ne porte absolument que la reconnaissance d’un objet de grand prix ! Les Indiens supposent que M. Luker ment ; vous admettez aussitôt qu’ils ont raison. Tout ce que je puis dire pour défendre mon hypothèse, c’est qu’elle repose sur des données possibles. Que pouvez-vous, monsieur Blake, invoquer de plus, logiquement ou légalement, en faveur de la vôtre ? »

Son raisonnement était présenté d’une manière forte et serrée, je ne pouvais le nier.

« J’avoue que vous m’ébranlez, dis-je ; trouveriez-vous mauvais que j’écrivisse à M. Bruff en lui racontant notre entretien ?

— Tout au contraire, je serai même fort aise si vous lui écrivez. Nous lui demanderons le concours de son expérience, et nous pourrons y puiser de nouvelles lumières. Pour le moment, revenons à l’expérimentation que nous projetons de faire avec l’opium. Il est entendu qu’à partir de ce moment vous renoncez à fumer ?

— Dès aujourd’hui.

— Ceci est le premier pas ; nous devrons ensuite aviser à reproduire, autant que faire se pourra, les circonstances dans lesquelles vous vous trouviez l’année dernière. »

Comment en venir à bout ? pensais-je : lady Verinder était morte ; Rachel et moi, nous étions séparés à jamais tant que mon innocence ne serait pas établie. Godfrey Ablewhite voyageait à l’étranger. Il devenait tout simplement impossible de réunir les personnes qui habitaient la maison un an auparavant. Cette objection première ne parut pas embarrasser Ezra Jennings. Il attachait, me dit-il, peu d’importance à réunir les mêmes individus, puisque évidemment on ne pouvait s’attendre à ce que chacun d’eux reprît le rôle identique qu’il avait vis-à-vis de moi à cette époque. D’autre part, il regardait comme indispensable au succès de notre entreprise, que je me retrouvasse au milieu des mêmes objets qui m’environnaient alors dans la maison de ma tante.