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— Personne ne le sait.

— Vous l’avez enlevé vous-même de chez miss Verinder ; comment est-il sorti de vos mains ?

— Je n’ai aucune idée de la façon dont je m’en suis dessaisi.

— Le revîtes-vous en vous réveillant le lendemain matin ?

— Non.

— Miss Verinder est-elle rentrée en possession de la Pierre ?

— Jamais.

— Monsieur Blake, nous voici aux prises avec une difficulté qui demande à être éclaircie. Puis-je vous prier de me dire comment vous savez que le diamant se trouve en ce moment à Londres ? »

J’avais posé exactement la même question à M. Bruff lorsqu’à mon retour en Angleterre, je commençai mon enquête sur la Pierre de Lune. Pour répondre à Jennings, je n’eus donc qu’à lui répéter le récit fait par l’avoué, et que nos lecteurs connaissent déjà. Il ne me cacha pas que ma réponse ne le satisfaisait point :

« Malgré la valeur que j’attache à votre jugement et à celui de votre grave conseiller, je maintiens l’opinion que je viens d’émettre : elle repose, j’en conviens, sur une pure présomption de ma part ; pardonnez-moi pourtant de vous rappeler que la vôtre n’a guère de fondement plus solide. »

Ce point de vue me frappait par sa nouveauté, et j’étais fort curieux de savoir comment il le développerait.

« Je maintiens, poursuivit Ezra Jennings, que l’influence de l’opium, après vous avoir poussé à vous emparer du diamant, dans le désir de le mettre à l’abri, a pu également vous porter, sous l’empire du même mobile, à le cacher dans quelque recoin de votre chambre. Selon vous, il est impossible que les conjurés hindous se soient trompés : on les a vus rôder autour de la maison de M. Luker en quête du diamant ; donc, il n’y a plus à en douter, le diamant est entre les mains de M. Luker. Mais avez-vous cependant une preuve certaine que la Pierre de Lune ait été portée à Londres ? Vous ignorez même jusqu’à présent comment ou