Page:Collins - La Pierre de lune, 1898, tome 2.djvu/181

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

seconde fois, en présence de témoins dont le témoignage sera irrécusable. »

J’éprouvai une surprise si violente, que je ne pus que le regarder sans parler.

« Je crois cette épreuve dans l’ordre des choses possibles ; par conséquent, il faut la tenter, puisque vous me prêtez votre concours. Remettez-vous de votre mieux, asseyez-vous et écoutez ce qu’il me reste à vous dire. Vous êtes revenu au tabac ; je l’ai remarqué moi-même. Depuis combien de temps en avez-vous repris l’habitude ?

— Il y a environ un an.

— Fumez-vous moins ou plus qu’avant ?

— Je fume plus.

— Voulez-vous y renoncer de nouveau ? mais subitement, entendez-moi bien ! comme vous le fîtes autrefois. »

Je commençai à pénétrer son intention.

« J’y renoncerai dès ce moment, répondis-je.

— Si cette privation a pour vous les mêmes conséquences qu’au mois de juin dernier, dit Ezra Jennings, si vous souffrez maintenant comme alors des mêmes insomnies, nous aurons gagné un premier point ; nous vous aurons replacé dans l’état d’irritation nerveuse où vous étiez le soir du dîner ; si, ensuite, nous parvenons dans la mesure du possible à reproduire autour de vous les conditions de vie domestique au milieu desquelles vous viviez à cette époque, et si votre imagination arrive à être occupée du diamant autant qu’elle l’était alors, nous vous aurons remis dans la situation physique et morale où l’opium vous a trouvé au mois de juin dernier. En ce cas, nous pouvons espérer à bon droit qu’une répétition de la même dose produira, à peu de chose près, un résultat identique. Voilà en peu de mots ce que je vous propose ; maintenant vous allez savoir quelles raisons m’autorisent à avoir foi dans cette expérience. »

Il prit un des livres placés à portée de sa main et l’ouvrit à un endroit marqué d’avance.

« Ne craignez pas, dit-il, que je vous impose l’ennui d’une lecture physiologique. Seulement je crois vous devoir et me devoir à moi-même de vous prouver que je ne suis point l’inventeur de la théorie que je vous propose de mettre à l’essai. Ma manière de voir s’appuie sur des principes reconnus et