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La question réveilla en moi un des souvenirs qui m’avaient échappé parmi les incidents du jour de naissance.

Le dixième chapitre de la narration de Betteredge entre dans plus de détails qu’il ne le faudrait au sujet de la sotte dispute que j’eus alors avec M. Candy. J’y avais si peu songé depuis, que ces mêmes détails étaient sortis de ma mémoire. Tout ce que je pus me rappeler et raconter à Ezra Jennings fut que, pendant le repas, j’avais attaqué la médecine assez inconsidérément pour faire perdre sa bonne humeur à M. Candy. Je me souvins aussi que l’intervention de lady Verinder avait clos le débat ; après quoi, le petit docteur et moi avions « fait la paix, » comme disent les enfants, et nous étions redevenus bons amis avant de nous séparer.

« Il reste un point très-important pour moi à éclaircir, me dit Jennings ; aviez-vous quelque raison pour éprouver une inquiétude particulière au sujet du diamant, à l’époque dont nous parlons là ?

— J’avais les motifs les plus puissants pour en être préoccupé, répondis-je. Je le savais l’objet d’une conjuration, et j’avais été averti des mesures de précaution qu’exigeait la sûreté de miss Verinder, depuis qu’elle était entrée en possession de la Pierre.

— Ces inquiétudes furent-elles, ce même soir, l’objet d’un entretien entre vous et une autre personne, et cela peu avant le moment de vous retirer ?

— Cette conversation eut lieu entre lady Verinder et sa fille.

— Et vous eûtes occasion de l’entendre ?

— Oui. »

Ezra Jennings prit ses notes manuscrites de dessus la table et les plaça entre mes mains.

« Monsieur Blake, si vous voulez bien lire ces notes, éclairées comme elles viennent de l’être par mes questions et par vos réponses, vous y verrez deux choses bien étranges. Vous trouverez, premièrement, que vous êtes entré dans le boudoir de miss Verinder et que vous y avez enlevé le diamant sous l’influence d’un état extatique produit par l’opium ; secondement, que l’opium vous a été administré à votre insu par M. Candy, désireux de réfuter par l’expérience les opinions que vous aviez émises pendant le dîner. »