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ractères étaient tracés tantôt à l’encre rouge, tantôt à l’encre noire. Dans l’état d’irritation où me jetait ma curiosité, je repoussai cette dernière feuille avec découragement.

— Prenez compassion de moi ! lui dis-je ; mettez-moi au courant de ce qui m’attend avant que j’essaye de lire cela.

— Volontiers, monsieur Blake ; me permettez-vous de vous faire encore quelques questions ?

— Demandez-moi tout ce que vous voudrez ! »

Il me sourit tristement, et un affectueux intérêt se peignit dans son regard.

« Vous m’avez déjà dit que jamais, à votre connaissance, vous ne prîtes d’opium ?

— Jamais, que je sache, répondis-je.

— Vous comprendrez tout à l’heure la portée de ma question. Continuons. Je ne répéterai pas toutes mes demandes précédentes ; j’insiste seulement sur le point, qu’après de longues insomnies, la nuit du vol fut pour vous une nuit de profond sommeil ; est-ce bien exact ?

— Parfaitement.

— À quelle cause attribuez-vous votre état nerveux et votre manque de sommeil ?

— Je n’en vois aucune, à moins d’admettre l’hypothèse de Betteredge ; mais ce n’est pas la peine d’en parler.

— Pardon ; tout a son importance dans cette affaire-ci. Comment Betteredge expliquait-il vos insomnies ?

— Elles venaient, suivant lui, de ce que j’avais cessé de fumer.

— Fumiez-vous habituellement ?

— Oui.

— Avez-vous interrompu brusquement ?

— Oui.

— Betteredge était dans le vrai, monsieur Blake ; lorsque le tabac est devenu une habitude, il faut un tempérament exceptionnel pour y renoncer tout d’un coup sans que le système nerveux s’en ressente momentanément. Je ne m’étonne plus maintenant que vous ayez eu des nuits agitées. J’ai à présent une question à vous faire au sujet de M. Candy. Vous souvient-il, le soir du dîner, d’avoir engagé avec lui quelque discussion relative à la médecine ? »